Ambiance musicale : Mon Européenne – Saez

J’avais devant moi deux jours avant de reprendre la route ou plutôt, le ferry. J’en ai donc profité pour me reposer, particulièrement les pieds, plus soumis aux kilomètres et à la charge quotidiens, reprendre des forces et écrire un peu sur le blog. J’avais assez vu la ville et déjà procédé à mes réservations : je suis donc resté à profiter de la chaleur du poêle.

En parallèle, j’ai rempli de nouveau mon sac avec des affaires propres et il a retrouvé sa forme dodue. Chaque remplissage relevait du Tétris et cette fois ne dérogeait pas aux autres.

A la fin de la deuxième journée, Benoit est rentré à son tour du circuit « O » dans le parc des Torres del Paine. Mais pour lui, le repos allait devoir attendre. Nous devions en effet embarquer le soir même pour passer une première nuit en siège inclinable sur le Crux Australis et réellement partir le lendemain matin.

Mon idée était de remonter le Chili en partant de sa partie la plus méridionale, et sans s’échapper par des alternatives plus « faciles », comme le passage par la route en Argentine. Cela impliquait de prendre un ferry, en l’absence d’option routière, pour traverser les archipels du Parc national Bernardo O’Higgins, à gauche du Champ de Glace Sud. Cet espace est la troisième calotte glaciaire au monde après l’Antarctique et le Groenland.

Sur le papier, nous partions donc pour plus de quarante et une heures de navigation et le passage de la douzième à la onzième région, celle d’Aysén (del General Carlos Ibáñez del Campo). De nombreux fjords nous attendaient et potentiellement des baleines et des orques.

Malheureusement, nous n’avons pas pu en observer mais les paysages étaient bien au rendez-vous, mis en valeur par quelques rares rayons de soleil. L’air était vraiment froid sur le pont mais chacune des sorties se justifiait amplement. La petite escale à Puerto Eden nous a permis de nous dégourdir les jambes autour de ce village uniquement connecté par bateau, pendant que d’autres jouaient au football près du port, en attendant que les marchandises soient débarquées.

La deuxième journée s’est passée comme la première, entre pauses repas, siestes et moments pour prendre l’air, quand le temps le permettait.

Arrivés de nuit et sous la pluie à Caleta Tortel, nous avons réussi à trouver refuge dans un camping recommandé auparavant. Plusieurs habitants mettaient à disposition un espace sous toit et l’accès à un bout de leurs espaces privés, contre quelques pesos. On est très loin de l’idée de camping que nous pouvons avoir mais l’accueil y était chaleureux et la tente était installée à même les planches de la plateforme sur pilotis.

Au petit matin, nous avons rapidement fait le tour de la petite bourgade, où la circulation se faisait sur de charmantes passerelles en bois. Le temps n’étant pas au beau fixe, nous avons décidé de prendre la route pour Cochrane, après avoir peiné à comprendre quand partirait le prochain bus et délaissé l’option de l’auto-stop.

La route que nous allions emprunter n’était pas n’importe laquelle : il s’agissait de la Carretera Austral. Longue de mille deux cent quarante kilomètres, elle relie Villa O’Higgins (à une centaine de kilomètres de Caleta Tortel) à Puerto Montt, dans la région des Lacs. Construite sous le régime militaire d’Augusto Pinochet, elle a permis de désenclaver cette partie sud du pays, en permettant une liaison terrestre, et est utilisée aussi bien pour le transport du bois qu’à titre touristique, particulièrement par des motards tout-terrain.

A l’heure actuelle, cette route n’est goudronnée que sur la moitié de sa longueur et ce n’est pas le cas de la partie basse. Nous avons donc rejoint Cochrane en naviguant entre les nids de poule. Après la pluie en route, nous avons découvert un petit village assez sympathique de trois mille habitants, avec sa pancarte façon Hollywood et son soleil couchant.

Notre auberge était une maison qui offrait des chambres aux voyageurs, avec une décoration bien à elle et une mamie qui tenait « l’établissement », avec qui on discutait pendant la préparation des repas, dans sa cuisine. Pour poursuivre les découvertes nocturnes, nous nous sommes rendus à la Fiesta de la Voz organisé ce même soir et animé par des vedettes télévisuelles.

Devant le joli soleil de la matinée, contrastant avec le reste des prévisions météorologiques, un sursaut d’enthousiasme m’a emporté : la réserve nationale Tamango n’était qu’à quelques kilomètres et abritait la plus grande population de huemuls, sorte de cerf endémique plutôt rare. Ça ferait une très belle excursion, à moins d’y aller pour plus d’un jour, comme le proposa Benoit.

Les souvenirs mentaux et physiques de Torres del Paine étaient encore bien présents, je n’avais pas une envie folle de déballer de nouveau tout mon sac pour repartir en trek, mais l’opportunité était trop belle ! Nous nous sommes donc préparés et mis en route.

Les eaux de la rivière Cochrane et du lac du même nom étaient magnifiques, révélant un peu de turquoise près des berges, au gré des rayons de soleil. Nous n’étions pas encore mi-mars que les premières couleurs de l’automne pointaient leur nez, à la différence des huemuls, qui, malgré notre discrétion, sont restés invisibles, à part sur les panneaux des sentiers. En revanche, ne pas croiser de pumas ne nous a pas dérangés outre mesure.

La nuit approchant, nous nous sommes installés au bord de la Laguna Elefantita, un peu à l’abri du vent. Même si nous n’étions plus en Patagonie, il était toujours assez présent, et le temps changeait assez fréquemment entre pluie dans la nuit, quelques flocons de neige au réveil et ciel mitigé ensuite.

Le lendemain, en prenant le chemin de la descente, nous sommes tombés sur des connaissances de Benoit, avec qui il avait déjà randonné du côté argentin. Ceux-là allaient continuer leur route en autonomie pendant encore de nombreux jours alors que nous allions revenir à notre point de départ. Nous avons donc poursuivi ensemble, avec le passage d’un condor au-dessus de nous… Le premier ! Son côté furtif ne nous a pas permis de vérifier cette hypothèse.

Plus tard, et comme nous n’avions pas été chanceux avec les stars du parc, nous avons été récompensés par un beau groupe de guanacos (dont le lama descend), en train de paitre, avant de voir un petit renard trainer près des installations de tourisme, à la fin de la balade, nullement dérangé par notre passage.

Pour le retour, nous n’avions pas prévu d’autre option que celle de l’auto-stop. C’était le milieu de l’après-midi et nous étions assez sereins. Nous avons été couronnés de cent pour cent de réussite, avec un ramassage par les deux premiers véhicules que nous avons croisés. Il faut dire qu’ils ne se bousculaient pas et que ce fut donc très agréable ! Sur le côté, le canyon du Rio Baker dévoilait toute sa beauté…


De retour au village, c’est l’élection de Miss Cochrane qui a attiré notre attention, sur la Plaza de Armas. Un concours pour enfants. Cette bourgade n’était pas grande et loin de tout mais les gens s’activaient pour la faire vivre et une belle chaleur humaine et une bonne ambiance se dégageaient d’eux. Il a plu toute la journée d’après, et nous nous sommes donc reposés, entre discussions avec Ingo, motard sur la Carretera, et petites sorties de la maison pour aller manger.