Ambiance musicale : Coastline – Liu & Woak feat. Hollow Coves

Au départ de Medellín, j’ai pris le bus de nuit pour Armenia, capitale du département du Quindío. Cette ville n’était pas une destination en soi, mais une façon de rejoindre Salento et ses environs, que j’avais ciblée pour ces prochains jours.

A moitié réveillé, j’ai profité d’un excellent café pour quelques centimes à la gare routière, signe de la proximité avec la zone que je cherchais à visiter. Quelques beignets (buñuelo, dedo de queso) sont venus compléter le petit-déjeuner.

J’ai été accueilli par des averses à l’arrivée. Ce n’était pas étonnant puisque j’étais entouré de forêt tropicale andine. Associée à des caractéristiques climatiques tempérées et d’autres géologiques propices, la région est devenue un centre important de production de café, qui est le principal produit d’exportation colombien.

On parle de l’Eje cafetero ou Triangle du Café pour désigner cette zone entre Manizales, Pereira et Armenia. Les paysans du coin ont développé des techniques manuelles (culture, récolte, traitement) et conservé ces dernières malgré l’avancée de l’industrialisation agricole.

A mille neuf cents mètres d’altitude, Salento est devenue une municipalité représentative de la caféiculture, avec ses fincas, son architecture colorée et ses coutumes. J’ai donc commencé mon tour de la ville en cherchant une auberge et en admirant toutes les façades. J’étais loin de l’agitation urbaine, le temps semblait s’être arrêté.

Une fois installé, j’ai choisi une des exploitations qu’il était possible de visiter et m’y suis rendu à pied. C’était une ferme familiale et je savais que le contact serait facile. Ici, on cultivait de l’Arabica, comme soixante-cinq pour cent du café produit à l’échelle mondiale.

Originaire de l’Ethiopie, ce café a une teneur en caféine plus faible, est moins amer et puissant que le Robusta mais garde une richesse en arômes et une finesse gustative qui le rend particulièrement apprécié.

Dans le coin, on le taillait pour lui donner la forme d’un arbuste et lui éviter d’atteindre sa taille maximale, autour de neuf mètres de haut. Ce faisant, il devenait moins intéressant pour les serpents de s’y installer et plus sécurisant et accessible pour les cultivateurs, surtout en terrain pentu.

Il y avait aussi toute une organisation végétale pour obtenir des conditions idéales de production et de récolte. Ainsi, des bananiers, plus grands, assuraient l’ombre et l’irrigation secondaire, en gardant de l’eau, tel un réservoir, dans leur tronc. Les orangers et les mandariniers attiraient les moustiques avec la senteur de leurs fruits.

De ce fait, nous étions dans une véritable oasis de verdure, qui attirait également des oiseaux aux couleurs exotiques.

On nous a ensuite présenté les étapes de fabrication du café, qui commencent par la récolte des fruits : les cerises de café. Elles sont rapidement dépulpées et mises en fermentation dans l’eau alors qu’elles ont encore leur mucilage, une fine peau sucrée enveloppant le grain.

Après cette phase, les grains sont lavés et mis à sécher. Ils vont être pelés une nouvelle fois, pour enlever la parche et les décortiquer, les coques servant ensuite de combustible pour la dernière étape : la torréfaction.

Cette étape est cruciale puisqu’elle va permettre au café vert, encore entouré d’une dernière pellicule argentée, de développer son arôme sous l’effet de la chaleur. Les grains vont aussi doubler de volume et changer de couleur selon la durée de brulage. Après cela, il ne reste plus qu’à les moudre.

Suite à cette belle démonstration, je suis revenu en ville avec les trois Québécoises de mon groupe de visite. J’ai retrouvé Victor et Vincent qui avaient choisi de venir ici pour la suite de leur voyage et nous nous sommes entendus pour le programme du lendemain.

La journée s’est terminée dans le bar du coin, où quelques paysans montraient leur talent au billard, après avoir passé leur journée dans les champs.

Le lendemain, une journée radieuse s’annonçait. Nous en avons donc profité pour aller dans la vallée de Cocora, où plusieurs options de randonnée allaient s’offrir à nous. L’odyssée a commencé dès le trajet, puisque ce n’est pas en bus ou en minibus que nous y sommes allés, mais grâce à une Jeep Willis faisant office de transport public.

Ces jeeps, issues du modèle tout-terrain de l’armée américaine utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale, ont trouvé une nouvelle vie dans la région, tant pour le transport de marchandises que de personnes.

Comme elles n’étaient pas très grandes, et qu’il n’y avait que quelques kilomètres entre Salento et le début du parc, le long du rio Quindío, les touristes étaient entassés à l’arrière, mais aussi devant, et sur la marche arrière, debout. Je me suis même retrouvé sur le toit, ce qui m’allait très bien pour profiter du paysage.

La vallée de Cocora est célèbre pour sa forêt tropicale, les reliefs montagneux du parc national naturel Los Nevados mais surtout ses impressionnants palmiers de cire, plus hauts palmiers du monde pouvant atteindre soixante-dix mètres. Espèce endémique, sa splendeur en a fait un des symboles officiels du pays.

Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas tardé à se montrer, à mesure que nous nous rapprochions. Ils poussaient de façon solitaire et dépassaient allègrement la ligne d’horizon, dessinant des formes dans le ciel. Les feuilles semblaient avoir été orientées par un vent persistant.

Nous avons commencé notre randonnée en direction de la maison des colibris, au milieu de la forêt humide et des particularités qui la définissent : des cours d’eau et des chemins boueux, une végétation luxuriante et des fleurs aux couleurs éclatantes mais aussi des insectes peu connus sous nos tropiques.

Arrivés à la maison, où il fallait payer pour entrer, nous sommes restés sur le chemin pour admirer les petits oiseaux-mouches. Ils ne vivent qu’en Amérique et sont capables de prouesses qui bousculent notre imagination, comme le fait de voler à reculons, battre des ailes jusqu’à deux cents fois par seconde, visiter jusqu’à mille fleurs en une journée et effectuer treize coups de langue par seconde pour se nourrir du nectar de ces dernières, afin de couvrir leurs dépenses énergétiques énormes à cette cadence.

Nous avons ensuite poursuivi et nous sommes naturellement écarté des autres touristes, en quittant la boucle normale. Nous étions en forme et espérions faire une très grande boucle, malgré notre départ tout juste matinal.

Nous avons donc grimpé quasiment mille mètres de dénivelé, avant de nous rendre compte que nous ne pourrions rentrer avant la nuit si nous continuions. Nous nous sommes arrêtés à Estrella de Agua, une station biologique, pour déjeuner et profiter de vue sur la vallée.

Place ensuite à la descente, où nous avons profité des paysages sous le soleil avant que le brouillard ne s’empare des flancs de montagne et n’installe cette atmosphère quasi-mystique, où des têtes de palmiers de cire isolés dépassaient.

On ne pouvait s’empêcher de s’arrêter et de les contempler, tout en sachant qu’ils étaient menacés d’extinction du fait de la déforestation passée et maintenant protégés par le gouvernement.

Le lendemain, pendant que mes camarades visitaient une ferme, j’ai profité de la ville de Salento à proprement parler, avec ses petites rues colorées, les gens qui y flânaient et son mirador. Ce fut l’occasion de croiser quelques paysans en dehors de leurs exploitations et en habits.

On m’avait aussi parlé de Filandia, à quelques kilomètres d’ici. Je m’y suis donc rendu en jeep, debout sur la plateforme arrière cette fois. Salento attirait la majorité des visiteurs de la zone caféière, du fait de la capacité d’accueil, et Filandia paraissait plus tranquille, tout en étant remarquable pour son architecture coloniale, les couleurs éclatantes de ses façades et l’artisanat autour de la vannerie.

J’ai donc paisiblement déjeuné, avec vue sur le Parc Bolivar et l’église de la Parroquia Maria Inmaculada. Puis j’ai sillonné les rues en long et en large, à la recherche de scènes de vie à photographier. Les plantations retrouvaient toute leur place une fois à l’orée de la ville.

Pour terminer ce festival de couleurs, j’ai eu la chance d’assister à une représentation de fête paysanne par des enfants. Les garçons portaient le costume traditionnel, avec chapeau tressé, foulard de couleur, tunique blanche, tablier et étoffe sur l’épaule. Les filles portaient des robes aux couleurs vives et ponctuées de dentelle. Les professeurs n’étaient pas en reste, faisant une démonstration de danse.

Je suis finalement rentré à Salento où j’allais pouvoir reprendre mon sac, et la route.