Ambiance musicale : Never give up – Sia
Suite à la visite de ce monument mondial qu’est le Taj Mahal, j’ai décidé de faire l’impasse sur le reste des bâtiments de la ville, bien que l’office du tourisme vantait les mérites du Fort et d’autres réalisations mogholes. Je voulais rester sur ce sentiment unique, et déjà, les joies de la planification du transport en Inde m’appelaient.
Je souhaitais aller au Rajasthan, cet Etat frontalier du Pakistan, connu pour ses forts et ses palais de maharadjas, dans une ambiance digne des Mille et Une Nuits. Le temps m’était compté, aussi fallait-il faire un choix. Jaisalmer s’imposa, par son ambiance désertique et sa taille plus facile que d’autres grandes villes, et ce, malgré le défi logistique qu’il posait.
Mais s’il y a une leçon que j’ai apprise en Inde, c’est que peu importe l’énergie que l’on met dans la réalisation de certaines choses, il est parfois écrit que les évènements devaient se passer de telle façon. Après avoir embarqué dans un bus pour Jaipur vers dix-sept heures et en avoir sauté avant l’arrivée pour me rendre précipitamment à la gare, entre les lumières, les pétards assourdissants et les feux d’artifice tirés de la rue et des balcons, j’ai réussi à prendre un billet à plus de vingt-trois heures, direct, pour la nuit même, et avec le choix de la classe.
Ce genre d’enchainement parfait n’existe pas ici, en temps normal. Les bus arrivent quand ils le décident, les trains sont traditionnellement pris d’assaut et doivent être réservés des mois à l’avance, ou depuis New Delhi, dans un comptoir dédié aux touristes.
Mais cette fois-ci, c’est l’esprit de Diwali qui planait au-dessus de moi. Et comme pour me dire de me détendre après cette course folle, et de reprendre le cours des habitudes, j’ai finalement embarqué dans le train avec cinquante minutes de retard, et un sourire jusqu’aux oreilles. La fête battait son plein dans la ville, et dans le pays tout entier, comme l’a montré plus tard ce cliché d’un astronaute italien.
Le lendemain, sur le trajet, j’ai longuement discuté avec un avocat. Celui-ci faisait des recherches, pour une thèse, sur les systèmes judiciaires dans le monde et m’a questionné sur celui français. Mes connaissances étant plutôt basiques, nous avons abordé d’autres sujets. Comme souvent, celui de la religion s’est invité.
Et pour cause, puisque dans l’esprit de nombreux Indiens, les valeurs et la morale découlent directement de la religion. Répondre que l’on n’est pas très croyant ou qu’on a pris ses distances avec un culte revient à révéler son absence complète de sens moral, ce qui n’est pas concevable.
Comme il s’occupait de trouver une femme potentielle pour un de ses frères, nous avons pu constater les différences de méthodologie dans ce pays où, le père, qui paie toutes les dépenses et accueillera ensuite sa belle-fille chez lui, à un droit de regard exclusif. Il va jusqu’à s’assurer de la bonne réputation de la belle-famille complète, ceux-ci s’associant et n’en formant plus qu’une seule. Gare aux jeunes hommes qui ne seraient pas mariés après vingt-cinq ans : c’est la honte qui s’abattrait sur la famille.
La solidarité sociale est également un thème traité différemment, puisque quand l’État l’organise dans les sociétés occidentales, cela relève plutôt du cadre familial ici. Enfin, concernant l’Inde dans sa globalité, c’est un magnifique slogan, déjà entendu, qui a résumé la situation : « united in diversity ».
Je suis finalement arrivé dans la « ville dorée », en plein désert du Thar. La chaleur était bien présente, même si j’ai échappé aux mois oppressants de l’été. Ce que l’on repère de très loin, puisqu’elle surplombe la ville, c’est cette forteresse de grès couleur miel, tel un château de sable.
Sur son promontoire, elle domine toute la ville et est traversée par un labyrinthe de ruelles, dans lesquelles Ganesh, le dieu qui supprime les obstacles, a une place de choix, sur des peintures près des portes d’entrée. Des enfants jouaient au cricket à ses pieds, pendant que des chauves-souris gardaient l’entrée du fort.
Pour la première fois, je me suis familiarisé avec le jaïnisme, autre religion née en Inde. Comme dans l’hindouisme, le bouddhisme ou le sikhisme, le but de la vie est d’atteindre l’illumination (moksha, nirvana) qui mettra fin au cycle des réincarnations, des existences conditionnées successives. Pour cela, il convient de pratiquer la non-violence, la méditation et le jeûne.
Visuellement, les statues des Tîrthankaras ressemblent à s’y méprendre à celles de Bouddha, et pour cause : les « faiseurs de gué », ces maitres jaïns qui sont au nombre de vingt-quatre, sont son pendant, montrant la voie de la libération. L’un d’eux, Mahavira, a existé de son temps.
Les temples sont composés d’innombrables statuettes et laisse apparaitre des décors chargés, minutieusement sculptés.
Une des caractéristiques fortes du Rajasthan, et surtout de Jaisalmer, est la présence de maisons de maîtres aux façades et balcons finement gravés. Ces véritables petits palais, les havelis, ont été construits par des princes rajputs et sont des trésors de précision. J’ai été très impressionné par ceux de Patwon-ki, de Nathmal-ki et du palais Mandir. Ce dernier a d’ailleurs été transformé en hôtel de luxe.
En venant en plein désert, j’avais dans l’idée de passer une nuit sur les dunes après avoir monté un dromadaire. Cela a été possible grâce à l’une des nombreuses agences de tourisme proposant des safaris en dehors de la ville.
Après un trajet en véhicule à quatre roues motrices, nous nous sommes lancés en file indienne sur nos camélidés. Malgré l’aridité des lieux, quelques plantes vertes faisaient de la rébellion. L’assise s’est révélée plutôt inconfortable, je me suis donc félicité de ne pas m’être aventuré dans un trek de plusieurs jours !
Le soleil couchant nous a offert de superbes images sur les piles de sable, pendant que les animaux se reposaient. Après quelques chansons locales, tout le monde a rejoint son lit et lutté, face contre ciel, contre l’endormissement, le spectacle des étoiles étant tellement prenant.
Il a tout de même fallu rentrer. Le retour à New Delhi était prévu, en bus de nuit, avec une bonne marge. Impossible de dégoter un train pour mon dernier déplacement dans le pays. Après une dernière promenade et des photos-souvenir avec les enfants du quartier, je tentais de m’assurer une bonne nuit dans le car avec un bang lassi, petite spécialité du coin.
C’était sans compter sur le destin. Cette fois-ci, il a joué contre moi. C’est le jeu. Après avoir cassé l’essieu arrière en plein milieu d’un village (et de la nuit), il a fallu jouer des coudes pour trouver une place dans le bus de remplacement, arrivé une heure plus tard.
Quand celui-ci nous a déposés en plein milieu de l’autoroute, en nous indiquant qu’il n’allait pas à Jaipur, il a bien fallu en arrêter un autre, et finalement racheter un ticket pour la capitale, deuxième partie du trajet.
Comme si l’Inde n’avait pas été assez marquante, je devais en profiter jusqu’au bout, et en apprendre toutes les leçons, toujours avec le sourire. Diwali, c’était fini !
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