Ambiance musicale : Grizzly bear – Angus & Julia Stone

A peine revenu du trek à Hsipaw, j’ai sauté dans un bus de nuit à destination de Kalaw, tout comme Suzanne et Rens, les deux néerlandais. Contrairement à ceux que j’avais pu avoir dans les pays précédents, il n’y avait pas de couchettes. Nous venions d’embarquer pour un long trajet, la climatisation à fond, tout comme les films ou les clips qui tournèrent en boucle jusque tard dans la nuit.

Le calme est tout sauf une valeur forte ici : on aime (ou, à défaut, on vit avec) le bruit, les klaxons sur la route, les haut-parleurs dans les localités. Les chauffeurs aiment rouler vite aussi, et cette nuit-là, le nôtre n’a pu éviter l’un des milliers de chiens errants de Birmanie, malgré un violent coup de frein.

Contents d’être arrivés sains et saufs, même si le jour n’était pas encore levé, nous avons rejoint l’auberge où nous avons pu profiter de nos chambres rapidement. La coupure de courant, pas si rare dans le pays, n’a en rien entravé notre plan.

Après un peu de repos, je suis allé faire un tour de la ville, l’occasion, entre autres, de visiter la pagode Thein Thaung et son monastère, celle Shwe Oo Min et sa grotte remplie de bouddhas et profiter d’une atmosphère légèrement plus fraiche, la ville culminant à mille trois cents mètres d’altitude.

 

Sans s’être réellement concertés, nous avons choisi le même trek pour le lendemain, avec mes camarades de la veille. C’est en fait un classique de la région (rejoindre le lac Inle à pied, en profitant de la nature et des rencontres possibles avec les populations habitant la région) et les probabilités étaient plutôt fortes.

John a été notre guide pour les trois jours. Fin connaisseur de la région, il exerçait ce métier et voulait passer une certification de guide professionnel. Pour cela, il avait besoin de connaitre toute la Birmanie et de parler avec un bon niveau d’anglais.

Nous avons eu des échanges passionnants avec lui, et cela contribue assurément à l’excellent souvenir que j’ai gardé de ce trek. Il voulait bien sûr enrichir sa connaissance de la langue, mais il était d’une grande curiosité. Chacune de ses questions commençaient par « Et dans votre pays… ? », et il nous a souvent fait les parallèles avec le sien. Nous avons épuisé beaucoup de sujets (religion, bouddhisme et esprits, gouvernement, histoires, etc), que ce soit sur les chemins ou le soir, après manger.

Le premier jour, nous avons rejoint le village de Kyauk Su, de la minorité Pa-O. Les femmes sont reconnaissables à leur tenue noire et au turban de couleur orange ou rouge. La vingtaine de kilomètres a été avalée sans trop de problèmes. Le temps était agréable et les paysages d’une beauté rare, entre forêt de pins et champs divers, du chou au riz de montagne, du chou-fleur à la moutarde.

 

Notre nuit chez l’habitant m’a offert un des meilleurs dîners que j’ai eus en Birmanie, à moins que ce ne soit celui de la deuxième nuit de ce trek. Quoiqu’il en soit, ces currys, leur délicate préparation et l’attention que nous portait nos hôtes étaient tout simplement extraordinaires. Ici aussi, la pièce de repas était enfumée par le foyer, comme une façon de se protéger des nuisibles.

Le lendemain matin, nous avons repris la marche pour Nantaing, où deux autres randonneurs allaient nous rejoindre. La pause dans ce village a permis de faire le tour du marché.

 

Ces deux Coréens, la cinquantaine, m’ont un peu perturbé. Parlant très peu l’anglais, mais hurlant chaque mot, pressés et le téléphone à la main pour des appels importants, l’ambiance a quelque peu changé dans le groupe. Difficile de passer inaperçu avec ces deux-là !

Nous avons continué notre chemin, toujours au gré des discussions avec John et des paysages fantastiques. Nous allions ainsi à travers la campagne, tantôt sur des chemins, tantôt sur des routes, tantôt à travers champ (les terrasses de rizières étant les plus compliquées).

Parfois, nous avons rencontré des gens rentrant du marché. Ceux-ci devaient marcher pendant trente minutes pour rentrer, chargés de victuailles. En manque d’eau, nous les avons rechargés et essayé d’échanger quelques mots, pendant une pause à l’ombre. Une chique de bétel, un cheroot (cigare assez fin d’une dizaine de centimètres), et ça repart !

 

La deuxième nuit allait se révéler tout à fait spéciale. Nous devions en effet dormir dans un monastère, et je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Bien sûr, avant d’arriver, nous avons demandé quelles étaient les règles de vie. De façon surprenante, et puisque nous dormions seuls dans notre bâtiment, nous pouvions faire à peu près tout ce que nous voulions, du moment que nous étions pieds nus. De cela, les Coréens ont compris qu’il était approprié de boire du whisky mélangé avec de la bière, « comme à la maison », pour célébrer la fin de la journée…

Il y avait en revanche des choses dont nous ne décidions pas et qui nous ont donné un bref aperçu de la vie pratique dans les lieux. Comme il n’y avait pas l’électricité courante, c’est un groupe électrogène qui en assurait la fourniture, selon un planning qui rythmait les horaires de repas et de sommeil : de dix-huit à dix-neuf heures et de quatre heures et demie à six heures. Il fallait donc se coucher très tôt car l’appel aux dons et la musique allaient résonner dans le haut-parleur avant l’aube, quoiqu’il arrive.

 

Il s’avère que le monastère était quasiment exclusivement rempli de novices, ces petits moines qui en ont l’aspect mais pas la connaissance. La religion remplit ici un rôle que nous n’attendons plus de sa part en Occident, à travers l’éducation. Avoir un enfant au monastère est une fierté, mais aussi une tradition et un moyen pour les parents d’avoir une bouche de moins à nourrir.

Puisque j’étais là, incapable de discuter avec eux, mais plein d’envie, j’ai tenté d’être acteur avec eux, autour d’un ballon de foot et de quelques jongles, ou simplement d’être témoin de scènes, comme celle très agitée où ils se rasent la tête. Cela arrive une fois par semaine et relève, comme beaucoup d’activités ici, du jeu.

 

 

Le troisième jour, le dernier, a donc commencé très tôt, même si nous avions moins de kilomètres à parcourir que les jours précédents. Nous avons continué de croiser des gens sur les routes, des femmes la plupart du temps, et toujours bien chargées.

 

Nous sommes arrivés en début d’après-midi sur les bords du Lac Inle, et après un dernier repas ensemble, avons embarqué sur l’une de ces longues embarcations pullulant sur l’étendue d’eau. Les premières images de cet endroit nous ont ravis, et John a enfin pu faire une pause méritée, entre les jacinthes d’eau, après nous avoir si bien montré la voie.