Ambiance musicale : I know after laughter – Mounika

Place à la chaleur à nouveau. De retour en plaine, sur les bords de l’Irrawaddy, je me suis attaqué à la dernière capitale royale avant que le pays ne soit colonisé, Mandalay. La deuxième ville nationale est considérée comme sa capitale culturelle et artistique.

C’est aussi un carrefour pour le commerce de pierres précieuses, en premier lieu le jade, et un haut lieu de pratique bouddhiste, du fait des nombreux temples. D’ailleurs, l’entrée et la sortie de la ville se faisait dans l’agitation des appels aux dons, de jeunes gens secouant des corbeilles en métal et faisant tinter la monnaie s’y trouvant.

Sur le chemin pour y arriver, la bande de joyeux lurons qui m’accompagnait poussait quelquefois la chanson (ce n’était pas la première fois que j’observais des adolescents se mettre à chanter, venant de nulle part) et nous avons eu droit au « traditionnel » (ou obligatoire, je ne sais pas) lavage de voiture juste avant d’arriver en ville.

Après avoir géré la demande de visa indien et surmonté ses exigences très particulières, je suis parti à la découverte de la ville, quadrillée par des rues portant des numéros.

Mon premier arrêt s’est fait à la pagode Mahamuni, réputée pour son immense statue de Bouddha que les hommes, et uniquement eux, les femmes devant rester sur l’étage inférieur, peuvent approcher. Ils collent alors des feuilles d’or en signe de respect. La pratique répétée, plus que centenaire, a même déformé la silhouette de la statue, la couche pouvant atteindre jusqu’à quinze centimètres à certains endroits.

 

Comme ces feuilles d’or m’intriguaient, je suis allé voir comment elles étaient produites. La méthode est très artisanale et n’a pas changé depuis des siècles. Les batteurs d’or sont installés dans un local en bordure de route et frappent en rythme leur grimoire fait de couches de cuir et de feuilles d’or en devenir.

En partant d’une surface d’un centimètre carré qu’ils vont battre laborieusement pendant cinq heures, ils obtiennent une feuille, un peu moins épaisse, de quelques centimètres carrés. Ils la découpent alors en quatre et recommencent la même opération, jusqu’à obtenir une nouvelle feuille, ridiculement fine, après cinq nouvelles heures.

Le fruit de ce travail est ensuite transmis à l’équipe féminine qui s’occupe des derniers découpages et de l’emballage. Ces feuilles sont ensuite envoyées dans les temples, pour se retrouver in fine sur une image de Bouddha.

 

 

 

Après l’or, place au jade. Un marché a lieu tous les jours et une effervescence toute particulière y règnait. Par chance, j’ai rencontré un birman qui a travaillé pour l’UNESCO à Paris et qui m’a ainsi raconté toute la chaine que suit la gemme.

Extrait de la montagne de Mogok sous formes de rocher, le jade est acheminé jusqu’ici, où les blocs sont d’abord ouverts, puis vendus, découpés, polis puis revendus. Des spécialistes étaient assis et scrutaient consciencieusement les pierres qu’on leur proposait avec une torche, pendant que d’autres se promenaient et tentaient de vendre au meilleur prix leur « pépite ».

Apparemment, il faudrait que le jade soit véritablement translucide pour avoir de la valeur, et soit d’un vert léger ou très foncé, l’intermédiaire étant moins recherché.

 

 

Deux autres édifices ont ensuite attiré mon attention. Le premier, le monastère Shwenandaw, tout en teck (bois précieux dont la Birmanie regorge), ancienne demeure royale, a été démonté et déplacé en dehors du complexe du Palais Royal, échappant ainsi aux destructions de la Seconde Guerre mondiale.

Le second, la pagode Kuthodaw, contient, en plus de son massif stupa, une collection de stèles de marbre répartie dans sept cent vingt-neuf petits stupas, sur lesquelles est rédigée l’intégralité du Tipitaka, recueil des textes fondateurs bouddhistes (canon pali). Cet ensemble est parfois considéré comme le plus grand livre du monde.

 

J’ai enfin rejoint la colline de Mandalay pour terminer la journée, réaliser que les environs étaient totalement plats et profiter d’un magnifique coucher de soleil, en discutant avec des novices. Ceux-ci profitent de l’afflux d’anglophones et viennent échanger avec eux, pour apprendre la langue.

 

Le lendemain, j’ai trainé mon vélo sous un soleil de plomb pour rejoindre le Palais Royal. C’est un fort qui l’abrite, comprenant une muraille, quelques tours et des douves.

Si le bâtiment ne suscite pas réellement d’intérêt (il s’agit d’une réplique du palais original, détruit pendant la guerre), c’est plutôt le cérémonial pour y entrer qui est spécial. L’armée, Tatmadaw, vérifie rigoureusement les entrées et sorties, et les étrangers doivent rester sur la seule route balisée menant directement au palais. J’ai appris plus tard qu’il y avait également une prison dans l’enceinte.

 

J’ai passé mon après-midi à me perdre dans la partie ouest de la ville, moins visitée, et j’ai ainsi profité de nouvelles démonstrations de chinlon, toujours très impressionnant.

 

J’ai enfin terminé la journée au pont U-Bein, plus long pont piéton en teck du monde. Pour y aller, j’ai emprunté un moyen de transport non identifié, me retrouvant assis au premier rang pour profiter de la poussière et de la conduite effrayante des deux-roues. Ce pont est un point de passage obligé pour les villageois et les moines qui doivent se rendre d’une rive à l’autre du lac Taungthaman.