Ambiance télévisuelle : The Americans – Joe Weisberg

Un dernier trajet en train russe m’a permis de rejoindre Oulan-Oude, capitale de la République de Bouriatie. On a souvent tendance à parler de la « Russie » pour désigner le grand espace géographique entre le Caucase et la Sibérie, les états baltes et l’Océan Pacifique.

Or, c’est plus précisément de la Fédération de Russie dont il s’agit, agglomérant des oblasts, des républiques et des territoires. Et cette diversité géographique s’accompagne de celle ethnique. J’y reviendrai.

J’ai pris un train de jour depuis Irkoutsk, puisqu’une belle partie du trajet se fait au bord du lac Baïkal. Pourquoi me priver d’une telle réjouissance ? Les sept heures de trajet sont ainsi passées assez vite, les yeux scotchés à la vitre et avec les privilèges de la classe kupe. Mais il ne fallait pas pour autant s’endormir devant le spectacle, car le train allait tout droit à Vladivostok, soit à l’extrême-Est de la Russie…

 

Après avoir beaucoup discuté avec Liu, expatrié chinois vivant ici et apprenant l’anglais pour le plaisir (en plus du russe qu’il maitrise parfaitement), et avoir testé ce qui ressemblait à de très belles brioches sorties du four (insidieusement fourrées à la purée), me voilà arrivé à destination. Comme à leur habitude, les techniciens russes profitaient de l’arrêt du train pour vérifier les boggies au bruit, juste avec le son que faisait leur tige de métal contre le système de frein.

Ici, et pour la première fois depuis mon départ, je rencontre une population presque exclusivement typée asiatique, avec les yeux étirés et les pommettes proéminentes et plus rouges, ce qui tranche avec les caractéristiques de la population de l’ouest de la Russie et de la Sibérie.

 

Cette ville, longtemps fermée et interdite aux étrangers (ce fut le cas jusqu’en 1991, ce n’est donc ouvert que depuis l’espace d’une génération), est un centre important d’échanges entre la Russie, la Chine et la Mongolie. C’est aussi la capitale du bouddhisme tibétain en Russie, Staline ayant accordé la construction du Datsan Ivolginsk, en récompense pour la large participation des bouriates à ce qu’on appelle ici la Grande Guerre patriotique (1941-1945). Les sacrifices ont dû être importants, pour qu’une exception soit faite dans la volonté de réduire toute expression religieuse…

Une statue trône fièrement sur la place centrale : il s’agit de la plus grosse tête de Lénine du monde. Que ne ferait-on pas pour les révolutionnaires ?

 

Je me souviendrai surtout de cette ville avec la rencontre de Dino Lanzaretti, voyageur à vélo ultra-expérimenté, dont le dernier exploit en date, et c’en est authentiquement un, est d’avoir traversé une bonne partie de la Sibérie (du nord de la péninsule de Kamchatka jusqu’à Oulan-Oude) sur sa monture, en hiver, et sans assistance. Ce qu’aucune personne ne semble avoir fait avant…

Les anecdotes prennent une dimension folle quand le thermomètre affiche plus de quarante degrés Celsius en-dessous de zéro, qu’on porte quatre paires de gants et que la respiration gèle instantanément parmi les poils de barbe qui se trouvent en chemin !

http://www.dinolanzaretti.it/

 

Mes dernières aventures russes ont résidé dans le passage de la frontière en bus, en compagnie de nombreux Mongols de retour au pays. Je me suis (bien entendu) abstenu de m’esclaffer quand j’ai remarqué que c’étaient messieurs Boldbaatar, Naranbaatar et Khadbaatar qui faisaient régner l’ordre derrière les comptoirs. Une belle brochette, n’est-ce pas ? J’apprendrai plus tard que baatar signifie ici héros, d’apparence bien plus aventurière que Dupond…

 

J’ai pu échanger mes huit cents derniers roubles sans même descendre du bus, à la faveur d’une personne, véritable bureau de change ambulant, invitant furtivement ceux qui avaient embarqué à se délester de leur monnaie contre quarante-trois fois le même chiffre en tugriks. Les transactions furent très rapides et elle repartit aussi vite qu’elle était arrivée.