Yogui autour du monde

Oulan-Bator et mes premiers pas en Mongolie

Ambiance télévisuelle : Marco Polo – John Fusco

C’est une relative monotonie de paysages qui a accompagné mon parcours de la frontière jusqu’à la capitale, Oulan-Bator. Mais une monotonie agréable à regarder, avec des plaines vallonnées à perte de vue, quelques sommets timidement enneigés et un ciel bleu régnant en maître.

 

Les quelques bêtes rencontrées en chemin, sur la route rectiligne ou en dehors, essayaient de trouver les nutriments nécessaires, au milieu de cet océan de sécheresse. Dans un pays où vivent trois millions d’habitants, dont plus d’un tiers dans la capitale, le bétail évolue en nombre, avec plus de vingt millions de têtes.

De plus en plus de monde converge vers Oulan-Bator, entrainant, comme le veut l’évolution de nos sociétés, une raréfaction des personnes vivant en zone rurale et une progressive perte des us et coutumes. Pour un peuple historiquement nomade, et dont le territoire a toujours été très étendu, c’est un comble de se retrouver sédentaire et dans des espaces plus petits. On s’adapte, ou on décide de vivre dans une ger dans la banlieue de la ville, jusqu’à ce que de nouveaux programmes immobiliers viennent grignoter cet espace… Un triste compromis selon moi.

 

Ici, les Toyota Prius sont au sommet de la chaîne automobile, et d’ailleurs, les importations massivement japonaises font que la plupart des gens ont le volant à droite. Les centres commerciaux pullulent, à l’instar du State Department Store, et les restaurants de diverses nationalités viennent compléter la vision de la rue, le tout dans une certaine agitation, contrairement à ce que voudrait sans doute signifier le nom de l’artère centrale Peace Avenue.

Des tours sont érigées et viennent occuper l’espace visuel qui n’était pas encore obstrué : adieu certains reliefs montagneux, bonjour l’hétérogénéité de l’ensemble.

 

J’ai commencé ici par rattraper mes lacunes d’histoire sur ce pays. C’est une série télévisée qui m’avait fait comprendre que l’Empire Mongol était le plus grand que la Terre ait porté. Il m’en fallait plus, puisque le pays, géographiquement du moins, ressemble maintenant à un îlot, coincé entre les deux mastodontes russe et chinois.

C’est Gengis Khan (né Temudjin) et ses descendants, en particulier Kubilaï Khan, son petit-fils, qui ont érigé en l’espace de moins d’un siècle un empire allant de l’Ukraine et la Biélorussie actuelles jusqu’au Pacifique, avec l’intégralité de la Chine incluse. Karakorum, capitale pendant quarante années, fut même remplacée par Cambaluc, actuelle Pékin… Il a fallu unifier les clans mongols, lancer des raids successifs et incessants à l’Ouest (Caucase, Khanate de Kara-Khitan) et au Sud (dynasties de Xia et Jin), user de génie militaire et mener la Horde d’Or avec maitrise pour arriver à ce résultat. A côté, les autres empires historiques font pâle figure !

 

J’ai aussi été surpris d’apprendre qu’il y des liens assez forts entre la Mongolie et la Turquie. Les langues mongole et turque partagent un vocabulaire commun (ou très voisin) important. On parle des peuples « turkic » en anglais (« turciques ») pour désigner les peuples turcs au sens large, et pas seulement les citoyens de la Turquie actuelle. Et force est de constater que ces descendants de tribus originaires d’Asie Centrale ont constitué une grande part de l’armée de Gengis Khan et laissé un héritage culturel commun. C’est bon d’être perturbé dans ses conceptions : je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse y avoir un lien aussi présent entre ces deux pays. Ça donne aussi matière à réflexion pour le reste de l’Asie Centrale, et les interconnexions, d’un point de vue plus global…

C’est sous le règne de Kubilaï Khan que Marco Polo, accompagnant ses père et oncle marchands, est parti de Venise pour traverser toute l’Asie et aller jusqu’en Chine, empruntant ainsi la Route de la Soie et d’anciennes routes commerciales. Il fut l’un des premiers Occidentaux à s’aventurer aussi loin à l’Est, et fut même reçu à la Cour de Kubilaï Khan, pour qui il devint émissaire pendant plus de dix-sept ans, pouvant observer l’apogée de l’Empire.

 

A son retour en Italie, il raconta son voyage et le livre qui en résulta, Il Milione, devint célèbre, en donnant un aperçu détaillé de ces terres et en stimulant les échanges commerciaux.

Bien que ce récit fasse la quasi-unanimité dans le monde occidental, quelques voix s’élèvent ici pour remettre en question son service, ou, à tout le moins, l’étendue de son action et des territoires parcourus. Il n’y aurait en effet aucune mention de son nom dans l’intégralité des rapports de l’Empire ou de la Chine sous la dynastie Yuan et les noms utilisés pour décrire les endroits visités correspondraient à ceux utilisés en Perse, comme si son ouvrage n’était que le recueil de toutes les informations disponibles au XIIIème siècle au Moyen-Orient. C’est toujours intéressant de connaitre toutes les visions, voir comment sont traitées les informations de chaque côté du prisme, et de pouvoir se faire sa propre synthèse…

Encore une surprise, la chute de l’Empire a été aussi rapide que son avènement. Les rôles se sont inversés, et la Mongolie a alors été découpée en deux provinces chinoises (Mongolie Intérieure et Mongolie Extérieure (actuelle Mongolie)) sous la domination de la Mandchourie/Chine, avant de s’en libérer et de devenir autonome en 1911. C’est ensuite l’URSS qui y exerça son influence, avec une révolte populaire menée par Sükhbaatar en 1921, et une révolution démocratique transforma la république populaire mongole en système parlementaire/présidentiel actuel. La capitale, Oulan-Bator (Ulaanbaatar, « ville du héros rouge »), fait directement référence à Sükhbaatar.

 

Une fois le Musée National dévoré, j’ai pu découvrir la cuisine locale, servie en grande quantité et fortement inspirée par les ressources nomades (mouton, lait), avec le tsuivan, pâtes légèrement sautées avec ses morceaux de viande et oignons, et le thé au lait salé.

 

Khaliunaa, après m’avoir emmené faire le tour de la ville et en découvrir le panorama depuis Zaisan, belvédère au sud de la ville, à la gloire de Lénine et de l’URSS, m’a aussi fait goûter le surprenant banshtai tsai, soupe au lait et garnie de boules de pâte farcies de viande, qui a la faveur de nombreuses tables familiales dominicales.

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2 Comments

  1. fred M.

    Je espère au moins une chose que tu comprennes ce que tu écris.

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