Ambiance musicale : Felices los 4 – Maluma

Après avoir bien exploré les environs de La Paz, j’ai décidé de reprendre mon sac à dos et prendre le bus quelques heures à destination de Copacabana. Je ne parlais pas, bien entendu, du quartier de Rio de Janeiro et de sa plage en forme de croissant, mais bien de la ville à cinq kilomètres de la frontière péruvienne.

Elle disposait également d’une plage, bien que plus modeste, sur les rives du lac Titicaca. Durant le voyage, la Cordillère Royale s’étendait sur ma droite et affichait clairement le Huayna Potosi et l’Illampu. Des cultures avaient trouvé leur place, sur la gauche.

Arrivés à San Pablo de Tiquina, nous avons dû prendre une barge. Cette première vision du lac Titicaca fut très agréable, offrant un contraste impressionnant entre le bleu profond des flots et le jaune des collines environnantes, particulièrement avec cette lumière de fin d’après-midi.

Après celle de Rurrenabaque, il y avait à Copacabana une autre base navale. Ainsi, la Bolivie, malgré la perte de son accès à la mer lors de la guerre du Pacifique, continuait d’entretenir une Marine et cela avait d’autant plus d’importance ici puisque le lac servait de frontière avec le Pérou.

La proximité se sentait aussi par la présence des premières bouteilles d’Inca Kola, boisson gazeuse nationale chez les voisins. Copacabana était très tranquille et représentait une vraie étape sur le circuit touristique local, d’où que viennent les touristes. Les infrastructures étaient nombreuses et son coucher de soleil de grande qualité.

Malheureusement, le lendemain, la chance météorologique avait tourné. Le temps était à la pluie, le ciel était très bas et le froid glacial perçait mes vêtements imperméables. On m’avait prévenu qu’il fallait se méfier du soleil, qu’on négligeait parfois en ne sentant pas sa brûlure à plus de trois mille huit cents mètres d’altitude. Manifestement, je n’aurais pas ce problème…  

Nous avons tout d’abord embarqué pour l’Île de la Lune, où vivaient vingt-sept familles aymaras de la communauté Coati. Les panneaux solaires étaient la seule source d’électricité et le lac fournissait l’eau pour boire, cuisiner et la toilette.

Sacré pour les Incas, ce lieu abritait le Temple des vierges du Soleil, où de jeunes filles étaient choisies pour leur beauté et entrainées pour servir Viracocha, dieu de la création.

Ce lac, le plus grand d’Amérique du Sud, est aussi le lac navigable le plus haut du monde. D’un point de vue historique, il concentre de nombreux mythes de la culture andine. Cette mer intérieure aurait d’abord donné naissance à Tunapa, dieu créateur des Aymaras qui s’étaient établi à Tiwanaku.

Cette civilisation, sans doute le premier empire andin, a dominé une partie de la côte Pacifique, du sud péruvien au nord chilien, durant plus de six siècles. Les Incas, qui conquirent la région plus tard, firent du lac le centre de leur mythologie. Viracocha surgit du lac et déposa son fils et son épouse, les premiers incas, sur l’Île du Soleil. Ce faisant, il créa le monde et toutes les tribus des Andes.

Sachant cela, nous avons pu débarquer sur l’île en question. Au sud résidait la communauté Yumani. Un escalier datant des incas menait à une source : la Fuente de la Vida.

Le village était étendu sur les flancs de l’île, desservi par de petits sentiers où les ânes allaient et venaient, dirigés par leur maitre, au gré des échanges de biens apportés depuis la côte. Je n’avais sans doute pas choisi la bonne journée pour venir, tant les conditions étaient rudes et la vue limitée.

J’ai essayé de visiter contre vents et crachin avant d’abandonner. Je n’arrivais pas à me réchauffer malgré la soupe de quinoa aux légumes, mais la truite et ses accompagnements, véritable spécialité locale, m’apporta du baume au cœur.

Impatient de découvrir de nouvelles conditions le lendemain, j’ai très vite déchanté en découvrant qu’elles n’avaient pas vraiment changé. Je n’y pouvais rien, j’ai donc accepté et composé avec. Je me suis rendu au temple de Pilko Kaina. Des détails architecturaux typiques, telles les portes dirigées vers le soleil levant, rappelaient la touche inca. Derrière les nuages devait se trouver l’Illampu.

J’ai continué ma marche et croisé de nombreux ânes et quelques lamas. Un chien avait fait la traque d’un cochon d’Inde et se promenait maintenant fièrement avec son trophée dans la gueule. Légèrement abattu, je me suis laissé aller à reprendre une truite, une nouvelle réussite, tout en voulant manger local.

En sortant, ce fut la belle surprise. Sans aller jusqu’à se découvrir complètement, le ciel s’est ouvert, offrant la possibilité de refaire mon tour de la veille, en version bleutée. J’avais une heure avant de devoir redescendre, j’étais euphorique et seul l’essoufflement de l’altitude put raisonner mon ardeur. Sur les pentes, les cultures dessinaient des traits, semblables aux oranges pelées des marchés pour faire des jus.

Je suis finalement rentré à Copacabana, avec un soleil joueur, puisque celui-ci semblait vouloir sortir maintenant. Sachant que j’allais partir ce soir pour le Pérou, que je ne savais pas quand je mangerai à nouveau du poisson et que de nombreux stands me faisaient franchement de l’œil, j’ai sombré à nouveau.

Cette fois, j’étais face au soleil couchant et des Argentins jouaient de la musique sur le bord. Cette truite, énorme et recouverte d’un beurre au goût oublié, m’a enchanté à un point rarement observé, comme cette pizza quatre fromages au Cambodge.

C’était une pure madeleine de Proust, je revoyais ma grand-mère nous emmener pêcher, petits, puis déguster le fruit de cette pêche ensuite le dimanche, à la maison. Là, c’était une mamita bolivienne qui l’avait préparée, avec le même soin. C’était la fête de clôture de mon exploration bolivienne…