Ambiance musicale : Still can kiss… – Wolfgang Lohr & Alice Francis

En cette matinée ensoleillée, et pendant que je repliais ma tente, je me devais de trouver la réponse à la question du prochain lieu à visiter. New Plymouth, pourtant si près, n’arrivait pas à déclencher chez moi un intérêt particulier.

En revanche, Stratford était l’une des deux extrémités de la Forgotten World Highway, route de cent cinquante kilomètres toute en creux et en bosses, sorte de tracé de montagnes russes passant quatre cols montagneux et suivant parfois les gorges d’une rivière.

Attiré par le côté mystérieux de son nom, et la direction qu’elle me faisait prendre, j’ai donc rassemblé mes affaires et me suis lancé pour l’auto-stop au pied même du panneau de signalisation. New Plymouth, nous nous verrons une autre fois… ou pas !

La vue sur le mont Taranaki était splendide et c’est Jules, ébéniste néerlandais de vingt-deux ans, qui m’a ramassé. A ce moment-là, ma destination était Taumarunui, l’autre extrémité de la route d’état quarante-trois.

 

La route étant agréable et le temps au beau fixe, nous avons pris notre temps et fait de nombreuses photos, tout en apprenant à se connaitre. Le paysage état très vallonné et le tracé sinueux.

Une de nos pauses s’est déroulée dans le village de Whangamomona, où nous avons fait tamponner nos passeports avec le seau de la république, pour quelques dollars de dons. Cette localité a en effet décidé de proclamer son indépendance à la suite d’une réforme administrative qui déplaisait aux quelques cent soixante-et-onze habitants.

Dans la continuité du folklore, ils ont instauré une fête annuelle impliquant diverses activités populaires et loufoques et durant laquelle est élu un président de la République. Les premiers furent des humains avant de laisser place à des animaux, comme un chien ou des chèvres.

 

En continuant notre chemin, Jules m’a fait part de son intention de monter en direction de Waitomo et non pas de Taumarunui. Cette dernière n’étant pour moi qu’une étape plutôt qu’une réelle destination, j’ai opté pour continuer le voyage ensemble, plein nord.

La longue route pour se rendre à Te Kuiti et son camping gratuit nous a offert la scène cliché de Nouvelle-Zélande, avec les moutons fraichement tondus, éparpillés au milieu de la chaussée, et déambulant par centaines.

 

En arrivant dans ce coin de l’île du Nord, aux paysages karstiques et connu pour ses grottes créées par l’agression de la roche calcaire par l’eau et l’air, nous savions que nous allions aussi faire la connaissance des vers luisants nationaux.

Présents en nombre dans ces milieux humides, où ils trouvent une nourriture abondante, ils correspondent au stade larvaire du fungus gnat, une espèce de moucheron. Ils émettent une lumière, plus précisément une bioluminescence, qu’ils utilisent pour attirer des insectes perdus dans l’obscurité et les manger.

Il ne nous a pas fallu marcher plus de quinze minutes à l’écart de notre campement pour en voir apparaitre de partout. Une fois l’œil habitué à l’obscurité et après avoir compris sous quel genre d’aspérités ils se cachaient, c’est un véritable spectacle qui s’est offert à nous.

La journée suivante a été marquée par une pluie fraiche, et nous avons donc procédé à des tâches différentes du voyage, comme terminer de rendre la voiture de Jules autonome ou éprouver l’installation de camping avec les gouttes. La fin de journée nous a quand même laissé entrevoir un beau coucher de soleil, par-delà la colline.

 

Le lendemain, et devant l’enthousiasme très limité des conditions météorologiques, nous nous sommes rendus à Waitomo, connue depuis plus d’un siècle pour ses grottes regorgeant de vers luisants. Comme nous étions rassasiés de ce côté-là, nous nous sommes simplement promenés entre les gorges et les dépressions, lieux regorgeant de végétation.

 

Une nouvelle nuit de pluie nous a convaincu de tenter notre chance pour Kawhia, où l’application Campermate nous promettait des piscines d’eau chaude en bordure de mer de Tasman. Après avoir roulé sous une pluie continue, nous avons fini par atteindre les grandes plages de sable noir.

Des panneaux mettaient en garde : « Sand can be hot ». Nous étions donc au bon endroit, et quelques personnes avaient senti le bon filon en venant aussi ici. En regroupant nos forces, nous nous sommes mis à creuser et avons constitué un petit complexe de bains chauds, chacun disposant de son bassin. L’eau chaude remontait naturellement du sol !

Au loin, l’eau très froide de la mer ne nous charmait pas vraiment, si ce n’est pour créer un gros différentiel de température et apprécier d’autant plus nos thermes. Les pêcheurs, eux, semblaient y trouver leur compte.

 

Après cette chaude pause bienvenue, nous avons repris la route pour Raglan, connue pour ses lieux de surf et son ambiance détendue. Passées la visite d’une cascade et l’installation du camping, il ne nous restait plus qu’à jouer aux cartes et faire un tour du village lors d’une des rares accalmies.

 

Le jour suivant, l’envie était toujours bien présente de notre côté et nous souhaitions en voir plus. Le marché créatif et alternatif du dimanche, ainsi que la grande plage des surfeurs ont pu réenchanter un peu les lieux mais la pluie venait constamment gâcher le spectacle, que nous savions possible tant les autres voyageurs plébiscitaient l’endroit.

Cependant, quand Jules a suggéré d’aller en direction de Tauranga, où il pourrait probablement trouver du travail dans son domaine, je n’ai rien trouvé à redire. Cette quasi-semaine de pluie, dans un pays où la nature est reine et où tout se fait à l’extérieur, avait entamé mon capital de patience.

Comme pour en remettre une couche, la route pour la plus grande ville de la Baie de l’Abondance s’est faite avec une visibilité plus que limitée. Ce soir-là, nous avons décidé de dormir en auberge, pour couper un peu avec l’humidité ambiante.

La localité peut être le point de départ de l’exploration des plages un peu plus au nord, en direction de la péninsule de Coromandel. Mais là aussi, j’ai appris à m’écouter : cela n’était pas ce qui pourrait me faire vibrer. Le temps prévu pour les jours à venir semblait confirmer qu’il n’était pas nécessaire d’y aller.

J’ai donc profité de l’endroit pour me refaire une jeunesse, en prenant rendez-vous à l’institut de beauté (un concept bien nouveau) et en laissant ses apprentis user des ciseaux pour faire tomber les boucles et la barbe qui commençaient à être trop longues.

Après m’être séparé de mon conducteur, nos deux chemins s’écartant, je suis allé faire un petit tour de l’art de rue local… et suis rentré avant que l’averse ne me trempe complètement.