Ambiance cinématographique : Beauté cachée – David Frankel
Après l’avoir délaissé pendant un moment, il était temps de retrouver le Mékong. Je voulais surtout rejoindre Luang Prabang, capitale de l’ancien royaume du même nom. Le bouche-à-oreilles était excellent et ne tarissait pas d’éloges sur la ville. Les attentes étaient donc assez élevées.
Mais il fallait gagner le droit de pouvoir y accéder. Une route humide et boueuse a bien failli nous en empêcher, mais c’était sans compter sur la solidarité des différents occupants des minivans pour se relayer au tir à la corde et sortir les véhicules de situations mal engagées.
Je me suis très vite rendu compte que la localité était unique dans le pays, sorte d’enclave où la douceur de vivre régnait en maître et où le temps n’avait pas de prise. L’atmosphère coloniale de l’époque Indochinoise était indéniable et le classement au Patrimoine mondial de l’UNESCO permettait de la préserver et d’encourager les bonnes initiatives de développement.
Ici aussi, la saison des pluies s’est fait sentir, mais la conséquence était complètement différente : nous pouvions nous rendre dans un des nombreux cafés-boulangeries, une maison d’édition créée pour transmettre le goût de lire ou visiter quelques édifices. Les temples étaient légion (au nombre de trente-trois) et offraient souvent une belle démonstration de l’art bouddhiste.
Le plus important était sans doute le Wat Xieng Thong, le plus vieux et le plus beau. La toiture en plusieurs couches, les dorures et les pièces de couleur émeraude, et les mosaïques de décoration venaient confirmer cela.
Un autre, le Haw Pha Bang, offrait une superbe entrée à l’ancien Palais Royal, transformé en musée pour exposer les éléments de la vie quotidienne d’alors, quelques documents historiques et cadeaux reçus de la part de délégations étrangères.
La communauté de moines et de croyants se rencontre chaque matin, très tôt, pour le Tak Bat, la cérémonie de l’aumône au cours de laquelle les religieux défilent le long de l’allée centrale et à proximité des temples pour recevoir les offrandes. Ainsi, chaque fidèle capitalise du mérite spirituel et ces bonnes actions, ce bon karma, sont supposés se répercuter sur les différentes vies à venir.
Dans les faits, chaque moine déambulait pieds nus, et portait une sacoche où les croyants déposaient quelques boules de riz collant et des biscuits. Après une première tentative ratée, nous avons réussi, avec Tina, John et Mikel à observer cet appel.
Le premier endroit où nous l’avons vu était bien plus authentique, avec seulement trois habitants et six moines participant, dans l’obscurité fuyante. La furtivité de l’instant a empêché toute prise de vues, mais le moment était trop intense et respectueux pour le troubler avec quelques gestes ou paroles : nous nous sommes véritablement figés. Les frères ont fini par remercier les fidèles avec des prières chantées.
Juste ensuite, nous nous sommes rendus à l’endroit principal, où les touristes, bien qu’étant en basse saison, avaient tendance à être plus nombreux que les locaux. Certaines femmes les poussaient à la consommation, les approvisionnant régulièrement en nouveaux sachets de riz chèrement payés. Leurs camarades photographes étaient là pour immortaliser l’instant, en négligeant souvent la distance minimale de respect pour les moines.
Au-delà de sa vieille ville très agréable, Luang Prabang offre de magnifiques chutes d’eau à tous ses visiteurs, pour peu qu’ils trouvent le moyen de locomotion pour s’y rendre. Les chutes de Kuang Si sont un petit joyau de la nature où des bassins d’eau azur-turquoise (à la meilleure saison) se déversent dans les suivants avec une belle harmonie. Un chemin très raide permet d’accéder au sommet et de se rendre compte de leur caractère majestueux. Au pied de ces dernières, un refuge d’ours a été établi pour recueillir tous ceux qui ont été confisqués à des braconniers.
Tout près, je suis allé visiter le parc à papillons. Comme Tina venait d’y passer une dizaine de jours en volontariat, cela constituait une belle opportunité d’en savoir plus sur ces animaux virevoltants. Le parc a été créé il y a quelques années, à l’initiative de deux néerlandais passionnés, qui ont trouvé au Laos le parfait endroit pour le réaliser.
Peu d’organismes vivants vivent de telles transformations durant leur vie. Après avoir été pondus sur une plante hôte à laquelle ils se collent, les œufs sont éclos et laissent s’échapper des chenilles, larves, qui vont se nourrir dans l’environnement immédiat. S’en suit la mue vers la chrysalide, la nymphe, où l’animal va s’isoler dans son cocon protecteur et subir son lot de modifications. Quelque temps plus tard, la métamorphose opérera et un papillon s‘échappera pour participer au cycle à son tour.
Par leurs actions, les lépidoptères sont un élément important de l’écosystème : comme les abeilles, ils participent à la reproduction des fleurs, disséminant le pollen des premières sur le pistil des secondes.
Ici, les papillons vivent entre deux et trois semaines et ont donc peu de temps pour accomplir leur mission. Le soleil leur est essentiel, réchauffant leur corps et leur permettant de voler. Le Grand Mormon est un de mes préférés, avec le dégradé de couleur bleue qu’il propose.
De retour à mon point de départ, j’ai grimpé sur le mont Phousi afin de pouvoir observer la vieille ville dans son ensemble. De là-haut, c’est un panorama à trois cent soixante degrés qui s’est ouvert, avec la péninsule formée entre le Mékong et la rivière Khan.
La journée s’est terminée à l’établissement de la Croix-Rouge, pour profiter d’un bon sauna en compagnie des locaux et effectuer une bonne action par la même occasion. Bien entendu, c’était uniquement dans le but d’emmagasiner du mérite spirituel…
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