Ambiance musicale : Dueles – Jesse & Joy

Je n’avais pas prévu de m’attarder en Argentine. Aussi, Salta a été le point le plus méridional que j’allais visiter dans ce pays. Mon idée de trajet impliquait d’aller en Bolivie, mais on m’avait aussi conseillé de ne pas faire l’impasse sur les villages argentins qui allaient se dresser sur le chemin.

J’étais donc prêt ce matin, au bord de la route et pouce levé, pour aller en découvrir deux. La route de sortie de la ville n’était pas si loin de la gare routière et je pourrais toujours y retourner si je ne trouvais pas de locaux voulant partager un bout de chemin.

Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, à vrai dire, mais Carlos a mis un terme à ce doute. Il allait jusqu’à San Salvador de Jujuy, soit quasiment la moitié du trajet. Peu avare en explications, ces deux heures sont vite passées, en commençant par me parler de son chanteur préféré, Cacho Castaña, un artiste de variétés qu’il considérait comme un mujeriego, un homme à femmes.

Il a aussi trouvé opportun de m’expliquer la différence entre un porrón (une bière) et un porro (un joint). Une fois arrivé, et dans sa grande bonté, il m’a dit qu’il m’aurait bien invité à manger mais que ce serait un problème avec « la patronne » car il n’avait pas prévenu… Il m’avait déjà bien amusé tout le long du parcours !

Après avoir pris quelque chose sur le pouce, j’ai tenté de nouveau ma chance. Luis m’a emmené jusqu’à Yala, où nous avons croisé une parade avec un orchestre, sans trop comprendre l’origine du mouvement.

Avec les prochaines à me prendre en auto-stop, Gabriela et Luna, nous avons parlé économie et politique. L’une étant travailleuse sociale et l’autre institutrice, la politique de droite libérale de Mauricio Macri était loin d’être de leur goût. Elles m’ont entre autres expliqué que l’inflation officielle était de vingt-quatre pour cent cette année, mais que certains cabinets privés l’estimaient à plus de quarante pour cent.

Pendant ce temps-là, la Quebrada de Humahuaca, déclarée Patrimoine Culturel et Naturel de l’Humanité par l’UNESCO, se dévoilait sur notre droite. Cette profonde vallée est une zone aride et la beauté de ces paysages concurrence la richesse de son patrimoine culturel, avec des localités telles que celles que j’allais prochainement visiter.

A partir de l’embranchement pour le Paso de Jama, que j’avais emprunté précédemment, ce sont Solenna et Javier qui m’ont ramassé, et nous avons donc découvert ensemble Purmamarca. Ces deux-là arrivaient de Buenos Aires et s’étaient offerts quelques jours pour souffler avant l’arrivée d’un heureux événement.

Nous avons parcouru le tour pittoresque en voiture, laissant apprécier des montagnes toutes en contraste et en couleur, limées par l’érosion, puis rejoint un petit mirador du Cerro de los Siete Colores, où le soleil caché par les nuages ne reflétait plus aussi bien toute la gamme de tons, du beige au violet en passant par le vert.

A travers quelques graffitis sur des briques d’adobe, je voyais pour la première fois des références au concept de la Pachamama, la Terre-Mère, associée à la fertilité, particulièrement importante pour les peuples Aymara et Quechua. Les gros cactus que je voyais depuis quelques jours, les cardónes, apparaissaient, eux, en danger d’extinction, leur bois étant couramment utilisé et surexploité.

De nouveau en voiture, avec des Français pour quelques instants, j’ai finalement rejoint un couple de Brésiliens pour terminer en van et relier Tilcara, juste après que le soleil ne se soit couché. Ces deux-là, adorables, avaient décidé de parcourir les deux Amériques en van, au gré de leurs envies.

Toujours en contact, j’ai retrouvé Rafa et Vero à l’auberge où ils restaient. Le village était poussiéreux et décoré, mais était-il encore nécessaire de le préciser ? Les conditions de cette écorégion n’allaient pas changer en quelques kilomètres…

Le soir, ce fut une grande première avec un lama à la milanaise pour tout le monde, et divers plats mettant à l’honneur le quinoa, qui était à la base de l’alimentation des civilisations précolombiennes. La soirée s’est poursuivie dans un bar, sur fond de flûte de pan.

Le lendemain, sous une belle chaleur matinale, j’ai commencé mon exploration par le Cerro de la Cruz, avant de visiter le jardin botanique, où des cactus ont bien voulu me montrer leur squelette. J’ai poursuivi avec la pucará, cette forteresse construite par la tribu des Tilcaras.

Au-delà de l’aspect guerrier, elle revêtait aussi la fonction de lieu de vie, de travail et de centre religieux, dès sa construction il y a plus de neuf cents ans.

Avant de partir, le marché local me tendait les mains pour manger, aussi bien des humitas que du locro, délicieux ragoût à base de courge, de maïs et de haricots.