Ambiance musicale : Channa Mereya – Pritam

Pour la première fois depuis mon départ de France, j’ai pris un vol pour rejoindre ma prochaine destination, en l’occurrence New Delhi, et l’Inde en toile de fond. Il n’était sans doute pas impossible de passer par la frontière terrestre entre les deux pays, mais cela requérait du temps, de l’argent et de la chance, des tensions ethniques existant des deux côtés de la frontière et des permis étant nécessaires.

Ce vol m’a rappelé à quel point ma liberté de mouvement avait été totale (ou presque) jusqu’à présent, puisque je n’avais eu aucune contrainte de date pour des transports et que la plupart des réservations se faisait du jour pour le lendemain. Le fait de devoir prévoir longtemps à l’avance et de rentrer dans un cadre rigide se heurtait violemment à cette faculté.

A peine arrivé, c’est un tourbillon de sensations et une expérience multi-sensorielle qui s’est offerte à moi. Ce que l’on voit, ce que l’on entend, ce que l’on sent, ce que l’on goûte, ce que l’on touche : tout est différent et/ou poussé à son extrême.

J’ai donc été accueilli par une épaisse couche de pollution et de poussière, dans une chaleur un brin humide, un oppressant tintamarre de klaxons, qu’ils proviennent des auto-rickshaws (tuk-tuk) ou des autres véhicules qui s’engouffrent absolument partout, dans une course effrénée.

 

Les sollicitations étaient nombreuses et il était difficile de faire quelques pas dans Paharganj sans se faire arrêter une dizaine de fois, sans oublier de répondre poliment à toutes les propositions. De nombreuses nationalités étaient présentes dans ce quartier où beaucoup de voyageurs indépendants convergent, et j’ai été surpris par le nombre de Japonais et d’Israéliens.

 

La rue est un marché à ciel ouvert, où l’on peut quasiment tout trouver, mais surtout se retrouver face à des odeurs (viande, poisson, épices, etc.) assez fortes et des scènes assez déroutantes, comme des mendiants dans un état d’indigence absolue ou des vaches, considérées sacrées par les Hindous, déambulant allègrement en plein milieu du reste de l’agitation.

 

C’est aussi une gastronomie, une cuisine complètement différente (et de laquelle j’étais assez peu familier) qu’il a fallu tester, pour trouver mes préférences. Le thé (chaï), les currys, les différentes formes de pain (nan, roti, chapati, parantha), les brochettes (tikka), les cuissons au four (tandoori) mais surtout les épices (masala) et tous les noms utilisés.

Une grande importance est accordée au régime végétarien, d’une part du fait des croyances religieuses hindouistes et bouddhistes, et d’autre part par nécessité : il n’est pas évident de payer aussi cher pour de la viande…

Après quelques jours « d’acclimatation » et de rattrapage d’écriture de blog, je suis parti à l’assaut de la ville avec Claudio, vieux baroudeur italien et Elias, cyclotouriste dans une épopée assez géniale : rejoindre la ville aux antipodes de son origine, Tolède, qui se situe en Nouvelle-Zélande.

Ce premier trajet en tuk-tuk nous a menés au cœur du Vieux Delhi, jusqu’à Jama Masjid, une magnifique mosquée du XVIIème siècle qui peut contenir jusqu’à vingt-cinq mille personnes, ce qui en fait la plus grande d’Inde. Il s’agit d’une des constructions de Shah Jahan, un des plus grands empereurs moghols, ces derniers ayant régné du XVIème au XVIIIème siècle sur l’Inde.

 

 

Juste avant l’entrée, une scène nous a interloqués : des gens, manifestement dans le besoin, jetaient à l’envi des bouts de viande à des faucons qui tournoyaient au-dessus d’eux. Quand on a posé la question de savoir ce qu’il se passait, nous avons compris qu’il s’agissait d’un don à la divinité représentée par les rapaces.

 

Plus tard, c’est le Fort Rouge qui a attiré notre attention. Edifiée par le même empereur entre 1636 et 1648, cette forteresse fut créée pour protéger sa nouvelle ville capitale, Shahjahanabad (ancienne Delhi), grâce à une enceinte de dix-huit mètres de haut. Les monuments, en marbre et en grès rouge, présentent une architecture remarquable.

Au bord de la rivière Yamuna, qui en alimente les jardins en eau, ce lieu, symbole de l’indépendance en 1947, est celui depuis lequel le premier ministre s’adresse tous les ans à la nation.

 

La journée s’est terminée dans le calme des jardins de Lodi, sorte d’enclave paisible au milieu de la ville, pleine de végétation et de personnes déambulant sereinement. Le contraste était assez saisissant avec la Porte de l’Inde, mémorial en forme d’arche pour les Indiens morts lors de la Première Guerre mondiale, où les gens s’agglutinaient pour prendre les indispensables selfies.

 

Ma dernière visite de monument s’est faite des semaines plus tard, de retour à New Delhi avant de m’envoler pour d’autres aventures. Revenir à Paharganj, retrouver ce quartier, mes dhabas et leurs propriétaires (ces cantines où je me délectais de plats dont le degré d’épices ne m’effrayait plus autant), mon coiffeur, tout cela avait un air de zone de confort.

C’est dans ce métro tellement différent du reste du pays (climatisé, propre, plutôt bien organisé) que j’ai rejoint le temple Akshardham, temple hindou qui se veut le centre des traditions et des valeurs culturelles indiennes. Dédié à Bhagwan Swaminarayan, le complexe s’articule autour d’un monument central fait de pierre rose et de marbre blanc, massif, et dont les piliers et les dômes sont minutieusement sculptés (vingt mille figures l’orneraient).

Le côté récent (2005) du centre tranchait avec la culture millénaire du pays qu’il devait représenter. Aucune photo n’a été possible en raison des restrictions très fortes à l’entrée, mais c’est un espace qui valait définitivement le coup d’œil.