Ambiance musicale : Le temps est bon – Degiheugi

Ma destination suivante était Hanoï, capitale du Vietnam. Pour la rejoindre, j’ai pris la seule option depuis Bac Ha : le bus couchette. Une expérience réjouissante, surtout quand on le prend de nuit : on enlève ses chaussures en montant dans le bus, on s’allonge dans son siège et on laisse défiler le paysage.

Les différents renseignements que j’avais récoltés étaient contradictoires : arrivée au milieu de la nuit, ou au petit matin, avec une hypothétique possibilité de terminer la nuit dans le bus à la gare routière. Je suis monté dans le bus en me disant que j’allais de toute façon le découvrir très vite.

Et c’est à minuit passé que j’ai en fait été débarqué du bus, dans une chaleur et une humidité étouffantes, à plus de cinq kilomètres du centre. Pas le choix : j’ai donc testé la moto taxi et rejoint une nuit en avance l’auberge que j’avais repérée.

Le lendemain, la ville m’a accueilli avec un thermomètre généreux : ce sont quelques trente-neuf degrés à l’ombre qu’il a fallu endurer au pic de la journée. Chaque geste demandait un effort considérable, et rendait la visite assez compliquée.

Apparemment, il en fallait plus pour décourager les habitants : j’en ai retrouvé à côté du jardin botanique, jouant au badminton (pourtant reconnu pour son engagement physique), ou à un jeu de jongles dont j’ignore le nom, se pratiquant avec les pieds, et ce qui ressemble à un volant de badminton… J’ai préféré les regarder jouer, à l’ombre, avec un savoureux café glacé au lait, au goût de chocolat à fort pourcentage. Il allait devenir ma boisson officielle ici, dans ce pays deuxième producteur mondial.

La chaleur était une chose, mais le tourbillon des deux-roues en était une autre, eux les véritables rois de la ville. Ici, les piétons n’ont aucun droit et les petites cylindrées accaparent toute la chaussée.

Traverser la route requérait une certaine dose de confiance et une attention de tous les instants, les véhicules n’hésitant pas à couper les carrefours au plus court. Il n’était donc pas rare de croiser des gens venant de la gauche quand il n’était censé n’en venir que de la droite.

Les différents bâtiments de style colonial que j’ai croisés, l’usage de l’alphabet latin et du français et la présence de la baguette de pain (notamment pour les savoureux sandwichs banh mi) sont les vestiges d’une occupation française pas si lointaine.

Dès 1858, la France a intégré dans son Empire la Cochinchine (sud du pays), avant d’y ajouter plus tard l’Annam (centre) et le Tonkin (nord), pour les regrouper dans l’Indochine française en 1887. Cette dernière comprenait également le Cambodge, le Laos et un petit territoire chinois de l’actuelle province du Guangdong.

En 1945, le Japon, qui a occupé l’Indochine durant la Seconde Guerre mondiale, a démantelé l’administration coloniale et laissé le champ libre aux désirs d’indépendance des Viet Minh, mouvement nationaliste communiste de Ho Chi Minh, après sa reddition. La France a bien tenté de reprendre le contrôle mais l’échec des négociations a mené à la guerre d’Indochine de 1946 à 1954.

La défaite de Dien Bien Phu a sonné le glas des espoirs français et les accords de Genève ont acté la sortie des Français, l’indépendance du pays et la partition provisoire du Vietnam en deux, entre République démocratique du Vietnam au nord (communiste) et République du Vietnam au sud (soutenue par les Américains). Cette opposition a constitué les germes de la Guerre du Vietnam et donné lieu à l’un des fronts les plus chauds de la Guerre Froide.

La visite du Temple de la Littérature m’a permis de me rendre compte d’une autre influence très importante : celle de la Chine, et plus particulièrement celle du confucianisme. Le pays voisin a en effet possédé le Vietnam pendant près d’un millénaire et les principes philosophiques, moraux et politiques de l’école de pensée de Confucius ont pénétré le pays. L’influence de Confucius en Asie orientale est comparable à celle de Platon en Occident.

Enfin, c’est ici qu’a véritablement commencé ma découverte de la gastronomie vietnamienne. C’est l’une des plus savoureuses d’Asie, le nombre de plats est considérable et très varié entre le nord et le sud. L’usage des herbes, des oignons blancs et des différents bouillons la rend particulièrement intéressante.

Mes premiers essais se sont portés sur le pho (plat typique consommé à n’importe quel moment de la journée, bouillon de nouilles de riz, surmonté de bœuf finement coupé et d’herbes aromatiques), le bun cha (nouilles de riz mélangées à des morceaux de porc cuit au barbecue, dans une sauce aigre-douce, et avec différentes espèces d’herbes), le banh goi (croustillant friand renfermant du porc, des champignons, des vermicelles de riz, que l’on trempe dans une sauce aigre-douce également) ou encore le nom bo kho (salade rafraichissante de bœuf séché épicé et doux, avec de la papaye verte, des carottes, des herbes, des cacahuètes et une sauce qui lui donne son homogénéité).