Ambiance musicale : Ni tú ni yo – Jennifer Lopez feat. Gente de Zona
Passer une frontière n’est jamais quelque chose de banal. Il y a toujours une petite excitation, des petits trafics de part et d’autre de la ligne en question. Mais le faire sur une rivière revêtait quelque chose d’encore plus particulier, et nous étions ici aux Trois Frontières, avec la Colombie et le Brésil à quelques minutes de distance.
Nous sommes sortis du Pérou à Santa Rosa avant de reprendre un bateau pour accéder à une maison flottante sur l’autre berge. Cela nous paraissait bizarre mais c’est bien là que nous avons eu notre tampon d’entrée colombien. Nous n’étions pas encore vraiment dans la ville.
Avec les crues et les décrues de l’Amazone, en fonction des saisons, certains magasins et administrations se retrouvaient déplacées, ce qui fait que certaines informations trouvées dans des guides pouvaient s’avérer inexactes.
De la même façon, ces bâtiments flottants finissaient par s’échouer et se retrouvaient donc de travers, sans respect d’un quadrillage administratif strict, et manquaient donc d’équilibre.
Leticia est aujourd’hui la capitale du département d’Amazonas, en Colombie. Mais ce ne fut pas toujours le cas puisqu’elle fut fondée par le Pérou. Le Trapèze amazonien, dont Leticia occupe une pointe, a été le théâtre d’un long conflit territorial qui a entrainé la guerre colombo-péruvienne de 1932-1933.
A son issue, Leticia est devenue colombienne et la seule ville nationale sur le cours de l’Amazone. Aujourd’hui, c’est un port avec des activités de pêche, des marchés de fruits tropicaux et un lieu de tourisme, à proximité immédiate de nombreuses réserves où vivent des communautés indigènes.
En arrivant à cette date, nous espérions tomber pendant le Festival international de la Confraternité Amazonienne, et ce fut le cas. Les trois pays ont enterré la hache de guerre depuis longtemps et c’était maintenant l’occasion de faire défiler des enfants des trois pays et d’attirer beaucoup de touristes locaux également, avec quelques festivités.
La ville était notre ligne d’arrivée fluviale. En étant partis de Yurimaguas, nous pouvions encore continuer entre dix et douze jours pour atteindre l’embouchure du fleuve, mais ce n’était ni mon objectif ni celui de mes compères vivant en Nouvelle-Calédonie. Je devais rentrer en France dans moins de quinze jours, depuis Bogota.
Nous nous sommes donc mis à la recherche des agences de voyages pour tenter une brève mise en compétition et trouver le meilleur avion pour Medellin. Ce faisant, nous avons déambulé au milieu de la foule et mieux découvert les particularités locales.
Les gens parlaient avec un accent dont nous n’avions pas l’habitude et une langue qu’ils qualifiaient eux-mêmes de portuñol, du fait du manque de démarcations franches dans cette zone aux deux langues.
Les magasins paraissaient plus organisés que ceux rencontrés jusqu’alors en terre amazonienne, je fus même surpris d’en voir beaucoup avec la climatisation, ce qui n’était pas du tout le cas jusqu’à présent. Était-ce le signe d’un meilleur niveau de vie, ou d’une chaleur plus insupportable ? Je ne savais pas mais il indiquait clairement des moyens plus importants.
J’ai aussi pu remarquer que quelques télévisions, installées juste au-dessus de la caisse de certains magasins pour occuper les employés pendant les heures creuses de la journée, retransmettaient le Tour de France cycliste. J’étais amusé de cela et impressionné de la portée de l’évènement, comme je l’avais été pour la Coupe du Monde de football tout au long de mes divagations au Pérou.
De la même façon qu’à Iquitos, on s’adressait à nous de façon très chaleureuse, en nous interpellant par des mi corazón et mi amor. En tant qu’occidental, nous n’avons pas l’habitude d’autant d’affection dans le discours entre inconnus, même si elle est feinte, mais cela restait agréable malgré tout.
Nous avons finalement acheté notre billet d’avion pour le lendemain et changé l’argent qu’il nous restait, en faisant bien attention de ne pas recevoir des reals brésiliens à la moindre valeur et utilité.
La ville n’avait pas un charme fou et les auberges du centre ne donnaient rien de très reluisant. Nous nous sommes donc dirigés vers le nord et en avons trouvé une avec piscine, juste à côté de la prison. Ce n’était pas forcément le genre de choses que je m’accordais en solo mais elle tombait vraiment bien, avec cette chaleur.
Nous en avons donc profité dans les grandes largeurs, avant de jouer aux cartes et finir le rhum qu’il restait de notre descente d’Amazone. Puis nous avons rejoint la fête de nuit, où beaucoup de monde se pressait, et mangé sur les nombreux stands.
Il y avait quelques mouvements de foule et j’eus la douloureuse expérience de me faire alléger de tout l’argent retiré dans l’après-midi. Les pickpockets auraient pu me dire amor de mi vida, avec la somme amassée ! Je n’avais pas pris mon passeport et relativisai donc le vol.
Le lendemain, ce furent les écoles militaires qui défilèrent, et la zone reste largement militarisée, avec beaucoup de bases, puisqu’il peut s’agir d’une plaque tournante pour divers commerces illégaux. C’était aussi le jour de l’indépendance.
Nous avons gouté la mangue accompagnée de citron et de sel et de nombreux fruits tropicaux, dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, comme l’açai, au goût de chocolat et de fruits rouges. Des gens jouaient à un équivalent de loto dans la rue, pendant que d’autres s’hydrataient à base de citronnade.
Déjà, il était l’heure de rejoindre l’aéroport. Nous y sommes donc allés à pied, avant d’apprendre que notre vol était annulé sans explications. Il y avait un grand désordre puisque le festival touchait à sa fin et que la compagnie aérienne devait permettre à de nombreuses personnes de rentrer chez elles. L’avion devait être plus que plein et il n’y en avait pas tous les jours.
Suite à une longue attente, Victor a été appelé par l’une des personnes de l’aéroport et emmené derrière le comptoir, dans les bureaux. Nous étions un peu perplexes, puis il est réapparu en nous expliquant qu’on pourrait bien embarquer aujourd’hui, mais que le vol partirait plus tard dans l’après-midi.
C’était une faveur que nous faisait la compagnie et qu’il fallait absolument garder discrète, car ils avaient dû faire des choix parmi les passagers. Je trouvais assez fou de traiter les voyageurs étrangers avant les locaux mais ils ne voulaient pas nous faire manquer une éventuelle connexion aérienne, chose que nous avions assurée avoir le lendemain, avec un peu de malice.
Nous sommes donc retournés en ville, délestés de nos sacs, et avons profité une dernière fois d’un repas au marché, avant de flâner pour revenir à l’aéroport, après une glace, puis un café. Nous avions du temps à tuer et nous le faisions plutôt bien, au rythme local.
La chaleur était écrasante dans la salle d’attente, mais nous avions la satisfaction de bien partir le jour même. Il ne nous est donc pas venu à l’esprit de nous en plaindre !
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