Ambiance musicale : La vuelta al mundo – Calle 13

Au départ de Tilcara, j’ai pris le bus pour une heure, arrêts fréquents compris, et suis arrivé à Humahuaca. De toute la Quebrada du même nom, c’est le village le plus animé et le plus peuplé. Ce faisant, j’ai traversé le Tropique du Capricorne, que j’avais déjà franchi entre Airlie Beach et Hervey Bay, en Australie.

Une fois n’est pas coutume, j’ai rejoint Rafa et Vero, qui m’avaient devancé d’une grosse demi-journée et qui revenaient tout juste du mirador de l’Hornocal, qu’ils avaient atteint en auto-stop.

Ce village était pour le moins charmant, avec ces rues intégralement pavées et quelques-uns de ses murs recouverts de fresques. On sentait un soin particulier dans l’aménagement extérieur. Le passé colonial se retrouvait dans quelques bâtiments et la religion catholique avait toute sa place ici, s’agissant du siège d’un évêché. Cela expliquait aussi les multiples messages pro-vie rencontrés.

Le lendemain, nous nous sommes promenés avec Maïka jusqu’au Monument aux Héros de l’Indépendance, lequel donnait directement sur le cimetière San Antonio. J’avais commencé à le remarquer dans les villages précédents mais Humahuaca possédait le plus remarquable : le cimetière était toujours en hauteur, sur une colline et les tombes étaient largement décorées.

De fait, la nécropole était ouverte et il ne paraissait pas anormal de la visiter. C’était une relation différente qui s’établissait avec la mort. Une des épitaphes a d’ailleurs attiré mon attention, « pour celui qui, dans la vie, fut Paulino… »

Je n’ai pu m’empêcher de me faire la réflexion que j’avais véritablement basculé en territoire andin. Quand la population de Salta me paraissait équilibrée, celle d’ici était en immense majorité indigène, descendant directement du peuple indien des Omaguacas.

Une fois notre visite de la ville terminée, nous avons entrepris de monter au mirador. Pour ce faire, il y avait une piste de vingt-quatre kilomètres et plus de mille trois cent cinquante mètres de dénivelé. Si la descente à vélo, au retour, paraissait alléchante, la montée relevait d’une idée à proscrire, par cette chaleur et cette sécheresse, d’autant plus qu’il était midi.

Nous avons donc cherché l’endroit le plus adapté pour lever le pouce et fait la connaissance de Lucila et Gabriel, Argentins en voyage, qui avaient le même objectif. Comme il était bien trop tôt pour espérer monter, les touristes mangeant ou faisant la sieste, nous avons eu tout le temps de discuter de choses et d’autres, de musique, d’histoire et de politique.

Gabi se levait de temps en temps pour aller chercher de l’eau chaude, puisque le mate l’exigeait. Et comme tout Argentin qui se respecte, il partageait avec joie son breuvage, le passant de main en main. Nous n’avions pas avancé d’un pas depuis deux heures mais la bonne humeur régnait quand même parmi nous. Nous nous étions associés sans avoir à se le dire.

Le temps passait, et je dus dire adieu au plan de rejoindre Rafa et Vero pour poursuivre au Nord. Une autre aventure m’attendait ici. Maïka, en désespoir de cause, est retournée au village et est montée avec une voiture à quatre roues motrices, qui proposait de charger le vélo à l’arrière pour l’aller, avant de laisser les personnes redescendre sur leur deux-roues.

Finalement, une voiture a fait son apparition, avec une famille allemande à son bord. Ils étaient déjà trois à l’intérieur et pas vraiment enclins à nous prendre, d’autant que nous étions trois également. Je me suis donc reculé pour laisser la priorité au couple, puis, après quelques mots avec sa fille, le père s’est senti obligé de nous prendre tous les trois.

Nous étions donc très heureux de la mesure et avons fait l’animation en guise de remerciements. Ce couple rendait visite à sa fille, qui avait étudié dans la région et allait partir en volontariat à Buenos Aires. De mon côté, c’était mon anniversaire et je partageais avec eux les biscuits que j’avais dans mon sac. La bonne humeur continuait…

Arrivés au mirador, nous avons pris une claque de sensations. Je n’avais pas particulièrement vu de photos auparavant, aussi je pouvais bénéficier de la surprise. Peut-être était-ce l’attente pour y parvenir ou l’incertitude, ou encore l’altitude du lieu, mais nous étions doublement excités d’être arrivés, et de voir ce spectacle. Après tout, n’était-il pas surnommé le Cerro de los Quatorce Colores, soit deux fois plus que celui de Purmamarca ?

En face, les flancs de montagne, constitués de différentes couches sédimentaires aux couleurs propres, semblaient plissés. Cela donnait des formes triangulaires qui se succédaient, dans une palette de teintes qui oscillait entre l’ocre, le vert, le jaune, le violet, et tous leurs tons intermédiaires.

Passée l’excitation, nous avons marché en direction d’un point de vue plus avancé, et chacun est devenu silencieux. L’instant était très spécial, j’avais l’impression pas si commune d’être au bon endroit, au bon moment, avec les bonnes personnes. Le grand peintre cosmique s’était lâché dans ses barbouillages, le sismogramme géant avait enregistré les mouvements terrestres à même le sol. C’était mon cadeau d’anniversaire, j’étais terriblement chanceux…

Devant une telle représentation, nous avons pris notre temps, sans le compter. Nous n’imaginions pas retrouver notre famille, de retour au parking. Et pourtant, ils étaient bien là ! Après une belle photo souvenir, nous sommes descendus et avons été déposés près du pont. Par différence culturelle, il n’y a pas eu d’abrazo mais l’esprit y était vraiment.

Nous n’avions pas très envie de nous séparer, avec Gabi et Lulu, et nous avions retrouvé Maïka. Aussi, nous avons décidé de manger ensemble, dans mon auberge, après quelques courses au marché. Je fus le simple observateur de l’atelier cuisine, comme on ne voulait pas que je m’en occupe.

Au menu de la célébration, il y eut donc un wok de légumes et son riz complet, agrémenté d’un vin de Mendoza, puis des raisins et un gâteau dont la bougie fut soufflée devant toute l’auberge, reprenant le traditionnel Cumpleaños Feliz… Ce fut une journée d’anniversaire que je n’étais pas près d’oublier !