Ambiance musicale : Brave (remix) – Freedom Fry

Après cette escapade granitique, et face au temps gris qui rend tout moins attrayant, j’ai refait mon paquetage et pris le bus pour Pucon. Je savais que Sixtine avait rejoint cette ville fortement appréciée des vacanciers.

Après de longs kilomètres d’autoroute sous la pluie, en direction du Nord, nous avons finalement emprunté quelques portions dans les forêts très vertes de l’automne austral. Déjà, le volcan Villarrica offrait des vues magistrales.

Je me suis trouvé bien inspiré de changer d’endroit puisque c’est avec un grand soleil que le bus a fait un stop à Villarrica, aux airs très tranquilles, avant de longer le lac du même nom pour arriver à destination. Déjà, les premières visions me plaisaient beaucoup.

Pucon n’est pas une très grosse ville, mais venu l’été ou l’hiver, elle attire des milliers de Chiliens et d’Argentins, du fait de la proximité avec Bariloche, des tarifs plus abordables, moins soumis à l’inflation galopante voisine et d’infrastructures adéquates.

Comme d’autres bourgades de la région d’Araucanie, Pucon s’est établie avec le concours de colons allemands, sur des terres habitées par les indigènes mapuches. Cela se retrouve aujourd’hui dans l’architecture en bois et la coexistence avec des mémoriaux ou des statues à l’effigie de personnages natifs du coin.

Mon premier sentiment fut très positif, avec son atmosphère calme, sa belle plage de sable noir et sa péninsule (certes privée…), tout cela sous l’œil fumant du volcan.

La journée s’est terminée autour de quelques bières locales, avec Sixtine et Lucie, qui avait rejoint la première après un beau périple en bateau en Patagonie chilienne, jusqu’à Puerto Montt.

Arrivé à mon auberge, j’ai pu confirmer ou apprendre la signification de plusieurs mots abondamment utilisés dans le pays, et relevant de l’argot. Les « cachay », « weon » et autres « bakan » venaient de perdre leur mystère. Quelque sagesse de voyage était également distillée…

« Si nous étions faits pour être dans un seul endroit, nous aurions des racines à la place des pieds. »

Le lendemain fut relativement tranquille, car le temps manquait de visibilité. Je suis allé en stop jusqu’à Villarrica, pour faire changer mon papier d’immigration de la Policia De Investigaciones de Chile, et surtout visiter l’endroit.

Plus calme que Pucon, elle abrite un musée sur les us et coutumes mapuches et de nombreux objets de la vie quotidienne, et l’on peut trouver de l’artisanat local.

Cette communauté aborigène serait composée de plus de six cent mille personnes au Chili et deux cent mille en Argentine. Après la décolonisation, et malgré une très forte résistance de sa part, sa région fut contrôlée à la suite de campagnes militaires violentes, sa population fut déplacée et ses terres furent saisies et vendues.

La majorité des Mapuches vit désormais dans les zones rurales d’Araucanie ou de la région des Lacs, et subit une discrimination certaine de la part du reste de la société. Malgré les processus d’acculturation et d’assimilation subis dans le passé, les Mapuches cherchent à retrouver leurs racines culturelles (langue, artisanat, médecine, …) et souhaitent se réapproprier leurs terres ancestrales, aux mains aujourd’hui de propriétaires d’haciendas, d’exploitants forestiers ou de multinationales.

Malgré notre distance avec le volcan, celui-ci restait bien visible, et ce bout du lac faisait la joie des visiteurs, comme celui opposé.

Je suis rentré en stop, avec l’une des personnes travaillant à la péninsule. J’en ai profité pour apprendre qu’elle fait 150 hectares et que j’ai bien choisi mon moment pour venir visiter le coin, car l’été est vraiment trop encombré.

Même si l’ascension du volcan Villarrica est un incontournable du Chili selon le Lonely Planet, et qu’elle m’attirait énormément, pour le sentiment incroyable qu’elle doit procurer, j’ai préféré laisser cette option, non sans quelques regrets, en apprenant qu’il s’agit d’un sommet sacré pour les Mapuches.

A la différence des sommets du Parc National Tongariro en Nouvelle-Zélande, on ne trouvait personne ici pour rappeler son caractère spécial. Les agences de tourisme étaient plutôt là pour encourager l’expérience et remplir les groupes moins bien fournis de fin de saison.

A la place, et en accord avec mes convictions, je suis parti en bus local, au petit matin, en direction du sanctuaire El Cañi. Il s’agit d’une réserve privée de conservation de la faune et la flore locale, et plus particulièrement de l’Araucaria, arbre millénaire.

C’est une vraie randonnée interprétative, qui met en valeur l’écosystème tout en gardant un impact minimum sur celui-ci. Selon les locaux, le lieu est connu pour son énergie très puissante. Par ailleurs, avec le paiement de son entrée, il encourage le développement local.

Comme à Cochamo, mais pour d’autres raisons, j’y ai trouvé une forêt humide et froide, avec un soleil dont les rayons peinaient à atteindre le sol, tant les feuillages étaient denses et les arbres hauts.

Au côté des pins du Chili, les vedettes du parc facilement reconnaissables avec leurs feuilles persistantes pointues et leurs branches bien aérées, de nombreuses autres espèces cohabitaient, dont le houx, les pics noirs et même quelques vaches près des lagunes.

Après plusieurs heures de marche, j’ai finalement atteint le point panoramique du parc, avec une vue plongeante sur la forêt, les lagunes et pas moins de quatre volcans : Villarrica, Quetrupillan, Llaima et Lanin. Un véritable modèle de belvédère naturel, et un endroit parfait pour un casse-croute mémorable…

Après avoir fait connaissance avec les autres chanceux qui avaient prévu de déjeuner ici ce jour-là, nous sommes redescendus en groupe et avons rajouté la boucle des lagunes à notre randonnée du jour.

Bien nous en a pris, car même si nous avons manqué le bus que nous voulions tous prendre pour rentrer, et aussi le coucher de soleil sur le volcan, depuis le bord du lac, nous avons fait d’autres rencontres que nous n’aurions pas voulu manquer.