Ambiance musicale : Cumbia sobre el mar – Quantic

Sitôt débarqué à Puerto Montt, et après avoir fait quelques courses de base, je me suis rendu au terminal de bus, et j’ai pu embarquer dix minutes plus tard pour Castro, capitale de la province de Chiloé. L’île, du même nom, est la deuxième plus grande du continent.

Malgré son rattachement à la région des Lacs, Chiloé cultive sa différence, son indépendance vis-à-vis de Santiago, et a toujours été un endroit à part, comme un point de liaison entre la Patagonie et le nord du Chili. Ce fut une place forte des colons espagnols et il y a plus de cent cinquante églises en bois qui la recouvrent, dont quatorze font partie du patrimoine mondial de l’UNESCO.

C’est aussi un lieu avec une culture spirituelle riche, composée autour d’une mythologie faite de sorcières, de fantômes et de gnomes.

En arrivant à Castro, je n’ai pas manqué de repérer l’une des spécificités architecturales : les tejuelas, ces tuiles de bois posées sur les faces des maisons, particulièrement colorées. Elles recouvrent de nombreux édifices, des maisons aux églises, en passant par le kiosque d’empanadas.

Sur la partie basse de la ville, en bord d’océan, ce sont des maisons sur pilotis qui m’attendaient, les fameux palafitos. Associées au ciel bleu et vêtues de leurs plus belles couleurs, elles constituaient la carte postale parfaite, et servaient de domicile aussi bien aux habitants qu’aux moules et aux coquillages. D’ailleurs, quelques pêcheurs à pied ne s’y trompaient pas, une fois la marée basse.

En poursuivant ma balade, dans le centre-ville de Castro cette fois, je suis tombé sur la première église de la liste, jaune et violette… Pour quiconque dispose des références occidentales d’architecture catholique, celle-ci était une surprise. Le contraste était fort entre l’apparat externe, de tôle et quelque peu criard, et l’intérieur fait exclusivement de bois, au ton unique et sobre.

Quant aux bonnes manières à l’intérieur, elles impliquaient de ranger le téléphone portable, ce qui était rare dans la vie quotidienne, puisque j’étais surpris de souvent voir des personnes en lien avec des clients, des administrés, accrochées à leur appareil et prendre le temps de répondre à leurs messages malgré l’attente que cela engendrait, que ce soit aux douanes, aux caisses des magasins ou aux comptoirs de services de transport.

A la recherche de bons plans pour le lendemain et d’un diner rapide, j’ai rapidement entamé la discussion avec le vendeur d’empanadas, qui prenait le temps de bien articuler et qui ne cherchait pas à me vendre un tour tout fait. Visiblement, les quelques villages dans les environs valaient le coup d’œil et méritaient amplement que j’aille m’y promener. J’irai donc dès le lendemain avec le bus local.

En revanche, j’apprenais l’existence d’autres endroits, dont un énorme parc naturel racheté par le président Piñera ou un endroit où il était d’usage de faire la queue pour faire la photo parfaite, sur un ouvrage en bois qui donnait l’impression de s’arrêter net et de s’ouvrir sur l’Ouest et l’océan. Je laisserai ces derniers à d’autres.

Si la ville était plutôt animée en journée, ce n’était pas du tout le cas le soir venu. L’énergie retombait totalement. Après avoir salué mon amigo du soir avec un serrage de mains, je suis rentré à l’auberge.

J’ai été enchanté de voir que le soleil répondait bien présent le lendemain, sur cette île réputée pour son mauvais temps, battue par les vents du Pacifique. A l’inverse de la nuit froide et humide, la journée était presque chaude ! Après avoir brièvement discuté avec un local à la station de bus, lui aussi fort chaleureux, je me suis rendu à Achao, en combinant le car et le petit ferry.

Ce petit endroit paisible, en bord d’océan et avec les montagnes de la Cordillère des Andes en arrière-plan, vivait sur un rythme comme ralenti. Un petit marché artisanal (laine) jouxtait celui des produits de la mer (poissons, algues). L’église et les maisons valorisaient elles aussi la tradition architecturale, sous leurs écailles de bois.

Après les contraintes rencontrées sur la Carretera Austral, pour se déplacer, c’était un plaisir de retrouver de la vie et des horaires nombreux et réguliers de bus. C’est ainsi que j’ai ensuite rejoint Curaco de Velez.

Si les maisons et l’église du coin étaient tout aussi remarquables, ce sont cette fois les petites mûres du bord du chemin et les cygnes à cou noir qui ont attiré mon attention. Il y avait en effet une aire de repos et d’alimentation pour oiseaux et toute la baie regorgeait de faune.

La journée avançant à grands pas, je me suis mis sur le chemin du retour, avec toutefois un petit arrêt réglementaire à Dalcahue. Autre endroit mais église similaire. Le coin, comme toute l’île et Puerto Montt, vit essentiellement de l’économie de la pêche et le saumon est l’une des vedettes à l’exportation.

Le lendemain, disposant d’un peu de temps avant de partir, j’ai refait le tour de Castro, avec un œil différent. De nombreux graffitis ornaient les murs et rappelaient le côté légèrement rebelle de l’île, à travers des messages politiques, d’ouverture, de défense de l’identité de l’île et des droits humains, ou la première évocation du sujet des Mapuches.

Puis, en rentrant faire mon sac, je suis tombé sur une voiture que je connaissais bien, pour l’avoir empruntée pendant quelques jours : c’étaient Nicol et Pablo, qui se promenaient dorénavant sur l’île après leur petite halte à Puerto Montt. Ce fut un plaisir de les revoir, avec leur sourire toujours ancré et leur volonté de connaitre un peu plus leur pays.