Yogui autour du monde

Srinagar, dans le Cachemire indien

Ambiance musicale : Led Zeppelin – Kashmir

Sur les conseils avisés des responsables de l’auberge de jeunesse (originaires de cet état), je me suis lancé pour le Cachemire, dans le nord de l’Inde. Cela a été l’occasion de prendre mon premier train indien, expérience chèrement recommandée par de nombreux voyageurs.

Après avoir fait connaissance avec la bureaucratie locale aux comptoirs d’interrogation/réservation/paiement, je me suis rendu à la gare. Le panneau d’affichage indiquait la plateforme quatorze, cette dernière indiquait un autre train que le mien, le train lui-même mentionnait plusieurs destinations sur ses panneaux… Tout semblait normal.

Pourquoi fallait-il s’inquiéter ? On allait afficher, directement sur les portes de chaque voiture, les détails de tous les passagers, moins de dix minutes avant le départ… Je me suis dit que ça ne laissait pas vraiment de seconde option en cas d’erreur, mais j’étais manifestement trop anxieux : les choses se passaient ainsi ici et il fallait simplement rentrer dans le moule.

Après quelques discussions et un repas partagé dans la promiscuité des compartiments de six couchettes, tout le monde s’est éteint et le train a poursuivi son chemin dans la nuit. Fraichement débarqué à Jammu, capitale d’hiver de l’Etat de Jammu-et-Cachemire, et assisté dans mon réveil par un légitime chaï, j’ai embarqué dans une des voitures partagées qui parcourent l’Etat.

Là aussi, la patience allait être un atout, et la modération des attentes, une nécessité. S’adapter, oublier la ponctualité et la rigueur occidentales, accepter le rythme imposé par les responsables.

Nous avons tout affronté ce jour-là, entre l’attente avant le départ ou dans les embouteillages, le soleil, la difficulté de la piste et l’inconfort de notre entassement, la pollution ou la poussière soulevées par les camions, jusqu’à ne pas être capable de voir le véhicule nous précédant.

Cela n’empêche pas une immense majorité de conducteurs indiens de considérer la route comme une course permanente, et par conséquent, d’user de tous les moyens pour emporter le titre de meilleur pilote, grâce aux klaxons, à la multiplication des voies de circulation, et aux dépassements à faire frémir le plus serein des passagers.

Cela se paie forcément, puisque j’ai pu observer, en route, un camion sur le flanc ou des animaux blessés suite à l’agitation créée dans le troupeau par les bolides. De même, la longueur du trajet a pu échauffer les esprits et j’ai assisté à quelques scènes où les nerfs prenaient le dessus.

Les camions étaient parés de beaucoup d’attributs, décorés à grand renfort de peinture, et parfois sponsorisés de façon non officielle par des marques comme Nike, symboles de richesse.

Au fur et à mesure que nous allions au nord, les choses changeaient. Les péages n’étaient plus seulement indiqués en hindi mais également en arabe, et le visage des habitants évoluait. Cet Etat a en effet une extraordinaire diversité, entre Jammu majoritairement hindoue, Srinagar musulmane et Leh d’influence tibétaine.

Intégralement brisé, mais content d’être arrivé, j’ai dû affronter les premières sollicitations nocturnes pour des hébergements ou des transports, mais je connaissais mon chemin et ma destination. Une bonne nuit de récupération m’attendait, avant que je ne réalise que la mosquée était juste à côté de l’auberge. J’allais être quitte pour des réveils matinaux.

La première journée a été occupée à aller visiter les jardins moghols, le lac et le temple Shankaracharya sur la colline.

Les fameux jardins, du nom de l’empire musulman qui a régné en Inde du XVIème au XIXème siècle, ont des caractéristiques de construction assez précises avec de grands bassins rectilignes, de nombreuses fontaines et des canaux. Les jardins de Shalimar et de Nishat en sont une belle représentation. Ils étaient aussi le lieu de rendez-vous de nombreux écoliers durant la pause-déjeuner.

Le lac Dal est entouré de quelques montagnes et collines, et est le centre de toute la vie touristique de Srinagar. De très nombreuses péniches sont disponibles pour les logements et des shikaras, des barques à fond plat, offrent le moyen de se déplacer.

Après avoir discuté avec quelques habitants, il se trouve que la situation est très compliquée ici. Des tensions ont commencé à exister dès la Partition des Indes en 1947. Quand l’empire colonial britannique des Indes a cessé d’exister pour créer les deux états de l’Inde et du Pakistan (dont la partie orientale est devenue le Bangladesh en 1971), le maharadjah hindou du Cachemire, Etat majoritairement musulman, a sollicité l’aide militaire de l’Inde en échange de son intégration au pays, face à l’invasion de troupes tribales venues du Pakistan.

Cela a précipité la première guerre indo-pakistanaise, première d’une série de quatre, et le sujet du Cachemire est toujours une source de tensions géopolitiques aujourd’hui entre les deux pays, puisque le territoire a été partagé entre l’Inde, le Pakistan et la Chine et que la situation n’a jamais été revue depuis (le référendum d’autodétermination n’a pas eu lieu). Le territoire est même en quasi-état de guerre depuis la tentative d’insurrection de 1989.

Avec les nouvelles vagues de violences des années 2010, entre frustration et radicalisation de la jeunesse cachemirie, la situation s’est embrasée pour aller jusqu’à imposer des couvre-feux sur des grandes parties du territoire. La région est maintenant la plus militarisée du monde, avec plus de sept cent mille militaires et policiers, et les positions défendues de chaque côté ne permettent pas d’aboutir à une détente (terrorisme alimenté depuis le Pakistan, occupation militaire de la part de l’Inde).

La population, qui vit en grande partie des ressources naturelles (safran, cultures fruitières, bois pour les battes de cricket…) et du tourisme sur le lac, vit très mal la situation.

D’une part, elle se sent oppressée et se rêve indépendante, voire rattachée au Pakistan. D’autre part, toute cette agitation nuit au tourisme et rend les affaires très compliquées, la concurrence étant bien trop grande pour absorber le flot plus restreint de voyageurs. Le cercle vicieux est malheureusement enclenché quand elle joue des coudes pour essayer d’arracher les quelques roupies indiennes des visiteurs, et que ces derniers subissent ses assauts incessants et insistants.

Après avoir pris conscience de la situation, notamment à travers du site des Affaires Etrangères qui déconseillait les lieux, et longuement discuté avec Barbara, baroudeuse de longue date de cette partie du monde, nous avons décidé d’aller prendre l’air à Pahalgam, dans une des vallées du Cachemire que les locaux n’hésitent pas à promouvoir comme la Suisse indienne.

Cette fois-ci, ce n’étaient pas les logements ou les barques qui proposaient leurs services, mais les gardiens de poney et chevaux. Cela ne nous a pas empêché de continuer tranquillement notre chemin et de remonter toute la vallée avant d’arriver à Aru, de goûter à un excellent curry végétarien et de redescendre, pris en stop par une famille indienne en vacances.

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  1. Guy

    Salut ici c’est le chabonais qui suit toujours ton périple, dommage que je n’arrive pas a ouvrir tes vidéos a bientot bonne continuation

    • Salut Gérard ! Merci d’être si fidèle ! Il faut bien laisser charger les vidéos, ça peut prendre un peu de temps parfois… 😉

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