Ambiance musicale : My silver lining – First Aid Kit

La suite de mon périple m’a amené à Yangon, où je devais rejoindre Aurélie. Ses vacances estivales coïncidaient avec mon passage dans le coin et nous permettaient de visiter ensemble certains endroits de la Birmanie. Cette arrivée fut bruyante, mais je ne sais pas s’il est encore besoin de le préciser : les klaxons, le bruit ambiant et le volume des conversations est sans commune mesure avec nos standards occidentaux, et ce, dans toute l’Asie.

Yangon n’est plus la capitale administrative de la Birmanie (Myanmar) depuis 2007, mais reste la capitale économique et la plus grande ville du pays. Elle fut la capitale de la Birmanie britannique, pendant la période de colonisation de l’Empire (1853-1948), et s’appelait alors Rangoun.

De nombreuses villes, et même le pays, ont changé de nom durant la présence des colons et la plupart a été rectifiée par la junte militaire en 1989. Le pays, comme plusieurs autres de la région, a été colonisé dans la deuxième partie du XIXème siècle, avant que le nationalisme et la Seconde Guerre mondiale ne viennent bousculer cet état de fait.

Ici, c’est Aung San qui a mené le combat pour la liberté avant d’être assassiné par un complot mené par l’ancien premier ministre, sans avoir pu voir la Birmanie officiellement indépendante. Son aura est telle qu’on peut voir des images un peu partout dans le pays. Avec sa disparition, s’est envolé l’espoir d’une unité du pays.

Il avait posé les bases du fonctionnement du pays avec les différents états le composant (et les nombreuses ethnies sous-jacentes) mais les rebellions intestines ont repris aussitôt l’indépendance acquise, entrainant l’intervention régulière de l’armée.

La Birmanie est un pays très riche en ressources naturelles (pierres précieuses, hydrocarbures, etc), et il était même le premier exportateur de riz avant l’invasion du Japon en 1942. Cependant, la dictature militaire, qui s’est mise en place suite à un coup d’Etat en 1962 pour restaurer l’ordre, a complètement désorganisé la production, imposant un « socialisme à la birmane » qui a entrainé de graves pénuries, l’interdiction de nombreuses organisations (journaux, partis politiques) et la fermeture du pays sur lui-même.

Aujourd’hui, et depuis 2010, c’est une lente transition vers la démocratie qui est en marche. Un gouvernement civil a été formé et le combat mené (ou le flambeau repris) par Aung San Suu Kyi (fille d’Aung San) porte petit à petit ses fruits.

La route semble pourtant encore longue pour que l’ensemble de la population et des ethnies profite de tous ses droits et des mêmes droits. Les Rohingyas, minorité musulmane de l’ouest du pays, rendus apatrides par les militaires et régulièrement en proie à de terribles exactions racistes et islamophobes, sont actuellement considérés comme la minorité la plus persécutée au monde.

Le chemin vers le capitalisme est, lui, bien tracé. La levée des sanctions internationales en échange des améliorations politiques entraine un flux important d’investissements étrangers, chacun voulant profiter de ce nouveau marché qui s’ouvre.

 

Tous ces facteurs, historiques, politiques, économiques, sont directement visibles dans Yangon, et m’ont donné l’impression d’une anarchie certaine et d’un contraste saisissant. Le rapport d’étonnement est total, les inégalités sont criantes.

De nombreuses rues comprennent des bâtiments coloniaux d’habitation (Yangon comprend le plus grand nombre de ces édifices dans toute l’Asie du Sud-Est), aujourd’hui plus ou moins laissés à l’abandon malgré leur occupation, et leur façade est recouverte de végétation. Certaines voies sont spécialisées par domaine (boutiques de téléphones portables flambant neufs, d’électroménager, de mécanique, cinémas, etc) et les centres commerciaux, parfois vides mais abritant les plus belles marques internationales, côtoient les endroits les plus délabrés.

 

Pour le début de notre séjour dans ce pays, il nous a été impossible de déterminer un « Birman moyen », tant la population est ici mélangée, composée de relativement beaucoup de Chinois, d’Indiens, de Thaïlandais. Cela n’a peut-être rien de particulier, tant les grandes villes mondiales sont des centres multiculturels, mais le fait de ne pas pouvoir vraiment identifier une racine commune avait quelque chose de perturbant.

L’incompréhension s’est poursuivie avec la religion : j’ai pu voir quelques bonzes s’adonnant à des activités que je pensais interdites, comme fumer ou manger de la viande. Certains portaient des tatouages. Cela divergeait avec ce que j’avais pu observer jusqu’à présent, mais n’enlevait en rien le respect que la population leur portait : les occupants d’un bus bondé leur cédaient immédiatement leur place.

Nous avons enfin eu droit aux « prix pour les étrangers », que ce soit pour les entrées de temples, de musées ou même quelques endroits de restauration. La manne touristique est l’un des leviers d’amélioration économique du pays, pour pouvoir s’affranchir du plein pouvoir des ressources naturelles et des quelques trafics qui florissaient près des frontières (pierres précieuses, opium) et de la corruption les entourant.

 

Notre visite au musée national nous a conforté dans cette idée qu’il n’était pas possible de saisir toute la complexité du pays, de sa culture, de son histoire, tant par l’incroyable richesse des évènements et des peuples, que par le désordre apparent créé par l’empilement des collections.

Le monument immanquable ici est la pagode Shwedagon, un joyau bouddhiste, lieu saint et premier centre religieux du pays. Il contiendrait, selon la légende, de nombreuses reliques d’anciens Bouddhas, dont huit cheveux du tout premier, Siddhartha Gautama.

Haut de presque cent mètres, le stupa est fait de briques et recouvert de plaques d’or. Une forêt de pagodons l’entoure, de même que quatre temples aux différents points cardinaux. Sa flèche est constituée de centaines de clochettes en matière précieuse, raisonnant dans le vent, et se termine avec une sphère en or incrustée de milliers de diamants, dont celui à l’extrémité qui fait soixante-seize carats…

Nous étions donc face à un bijou, dans tous les sens du terme. Les croyants venaient y accomplir différents rites, de la prière au rachat des fautes, du remerciement des nats (esprits vénérés en parallèle du bouddhisme, qui existaient avant ce dernier, en Birmanie, et qui se sont fondus avec la pratique religieuse) aux hommages au Bouddha. Une ferveur impressionnante.