Ambiance musicale : The player – Kid Francescoli

C’est après un repas d’adieu dans un restaurant tenu par Stan, « le plus grand fan d’Eminem », que j’ai repris la route et laissé la joyeuse équipe que nous avions dans cette auberge de Nyaung Shwe.

Je voulais aller dans l’Etat Kayah, et rendre visite aux femmes de l’ethnie Kayan. Ces femmes ont la particularité de porter un collier-spirale, relativement lourd, à partir de huit ans. Le port continu de ce bijou, même si elles peuvent l’enlever, entraine des modifications corporelles importantes.

Souvent qualifiées de « femmes girafe » ou « femmes à long cou », ces femmes n’ont pourtant pas les vertèbres allongées, mais la clavicule et la cage thoracique sont sérieusement abaissées. Au fur et à mesure de ce changement, elles changent de collier pour continuer d’avoir le cou complètement recouvert.

L’origine du port de ce collier est incertaine et de nombreuses rumeurs ont circulé : protection contre les tigres, volonté de se rendre moins attrayantes pour échapper à l’intérêt des autres tribus et vivre tranquilles, etc… Il semblerait que ce soit plutôt un accessoire de mode, auquel est associée une certaine idée de la beauté, et un élément fort de l’identité de cette tribu.

Beaucoup de Kayan ont fui le conflit ouvert avec le régime militaire birman dans les années 1990, et se sont réfugiés dans la Thaïlande voisine, dans des villages où elles constituaient l’attraction touristique, donnant souvent l’impression d’un zoo humain. Elles reviennent maintenant progressivement.

J’ai décidé d’aller les rencontrer ici puisque cela est leur territoire réel et que les conditions pour les voir leur permettent de vivre. Elles ont en effet organisé un marché pour vendre leur artisanat, à courte distance de leur village, et se partagent les frais d’entrée collectés auprès des touristes.

A peine arrivé dans la ville, je suis parti en faire le tour et faire un arrêt symbolique à la pagode Taung Kwe, qui surplombait la ville. J’avais beau chercher pour localiser une agence qui pourrait m’emmener le lendemain, je n’en voyais pas. La seule que j’ai réussi à trouver pratiquait des prix trop élevés, vu que j’étais tout seul.

 

Je rentrai donc un peu dépité, jusqu’à ce que je rencontre trois étudiants en technologie qui se promenaient en moto, juste avant de rejoindre l’auberge. Nous avons commencé la discussion sur le pont, fait quelques photos puis j’ai senti qu’on avait le potentiel pour en faire plus.

Nous nous sommes donc retrouvés dans un petit restaurant où nous avons fait plus ample connaissance, même si l’anglais pouvait manquer à quelques moments. Ils m’ont commandé des plats typiques, délicieux et j’en ai profité pour apprendre quelques mots de birman.

 

Quand je leur ai exposé mon plan, ils se sont enthousiasmés d’un coup, car ils étaient Kayan ! Nous étions samedi, ils n’avaient pas prévu grand-chose pour le lendemain et m’ont assuré qu’ils pouvaient me montrer le chemin pour y aller. Le rendez-vous était donc pris pour le lendemain !

En rentrant à l’auberge, le réceptionniste m’indiqua qu’une personne qui venait d’arriver voulait absolument aller dans ce marché également, mais ne voulait pas conduire de moto. Je récupérai donc une passagère à cette occasion, et après avoir trouvé le deux-roues pour y aller, nous nous sommes engagés à destination de Panpet, à cinq.

Nous avons rencontré trois points de contrôle sur le chemin pour y aller et, heureusement, aucun ne nous a arrêtés. J’ai appris plus tard que les étrangers n’étaient pas vraiment autorisés à rouler ici, du fait du danger de la conduite et qu’ils ne voulaient pas avoir à gérer des accidents nous impliquant.

Arrivés au marché, nous avons fait le tour des boutiques miniatures et toutes identiques. J’ai été surpris de retrouver beaucoup de produits « made in Thailand », pour peu d’artisanat au final, si ce n’est quelques pièces tissées. Mes étudiants arrivaient à parler avec les femmes et ont pu nous retranscrire les très grandes lignes. La seule chose que nous pouvions dire était « Abatarrroli ».

 

 

Après un tour au village et un repas bien mérité, terminé par une chique de bétel, nous sommes rentrés à Loikaw, avec la satisfaction d’avoir accompli cela par nos propres moyens, avec des locaux pour guides, alors cela m’apparaissait très compliqué, voire impossible, seulement vingt-quatre heures auparavant.

 

La route pour Yangon a été longue et incroyablement étroite à certains endroits, avant de rejoindre l’autoroute entre Mandalay et l’ancienne capitale. Des points de contrôle nous ont arrêtés pour vérifier la présence de drogue à l’intérieur du bus, une première depuis le début de ma présence dans le pays. Le passage en revue des bagages n’ayant rien donné, nous sommes repartis, avec la musique qui ne devait pas s’arrêter de toute la nuit…