Ambiance cinématographique : Into the wild – Sean Penn
Alors que nous nous apprêtions à partir à deux avec Mickaël, Camille, Française vivant à Montréal, a débarqué d’Oulan-Bator et avait quelques journées à remplir avant d’y retourner. Après avoir expliqué nos plans, incluant cinq jours de découverte du Gobi sud, et fait plus ample connaissance, nous avons convenu de partir à trois pour cette aventure, dès le lendemain matin.
Sur le papier, l’équipe était séduisante. Elle affichait, en cumulé, vingt années de scoutisme, six ans d’études de cuisine et de encore plus de passion gastronomique, des expériences différentes mais aussi communes d’exploration, et de cinq à dix ans d’écart selon les personnes.
Dans la réalité des évènements, elle s’est révélée meilleure que cela : solide, complémentaire, chacun trouvant naturellement sa place et apportant aux deux autres personnes. En rajoutant Gasuck, notre chauffeur aux petits soins et pour qui la l’orientation était intuitive, à cette sélection, nous avons obtenu la certification premium. « Yaoui, yaoui ! »
Le programme incluait de nombreuses heures de route, ou de piste, devrais-je plutôt dire, quand ce n’était pas tout simplement un sillon que nous creusions nous-mêmes. Difficile de fermer l’œil dans ces conditions de secousses permanentes, et aussi parce que le spectacle se passait dehors. Les espaces étaient gigantesques, et il n’était pas rare de rouler des heures sans croiser d’autres êtres vivants que du bétail.
Nous avons eu une mésaventure dès le premier jour : notre chauffeur, que je pensais infaillible, venait quasiment de poser l’essieu arrière gauche dans la boue, dans un franchissement qui ne semblait pas si problématique.
Rien de tel que des conditions très fraiches, de l’adversité et une épreuve comme celle-ci pour définitivement lancer l’expédition. Les talents des uns et des autres nous ont permis de repartir d’ici deux heures plus tard.
Le prochain arrêt a servi à nous réchauffer chez une famille de nomades, à l’aide du combustible local, comprendre « du crottin de cheval » et consulter quelques indications routières, sibyllines.
Notre arrivée à Ongi et son monastère nous a gratifiés d’un merveilleux coucher de soleil, début d’une magnifique série.
Ce monastère tibétain, l’un des plus gros de Mongolie lors de son apogée, a été détruit lors des purges staliniennes et par le temps qui passe, et le gris du ciel lui donnait un aspect encore plus désolant.
Nous avons continué notre route en direction de Bayanzag, sur des pistes toujours aussi peu accueillantes, à l’inverse complet des personnes chez qui nous nous arrêtions, pour une raison ou une autre : avoir crevé en était une bonne, de même que faire une pause à thème, avec, au choix, thé au lait salé, sourires d’enfants, bêlements de chèvres, ou encore mastication des premiers chameaux rencontrés.
Le milieu est aride, battu par les vents violents, et offre peu de répit. Pourtant, nous y avons trouvé un espace d’une beauté pure, rouge, lieu de cassure entre le plateau et les terrains en contrebas. Les Flaming Cliffs se sont laissées approcher sans nous opposer de résistance et ont dévoilé leur côté majestueux.
Il y a sans doute beaucoup de choses à dire, géologiquement parlant, mais notre équipe ne possédait pas ces compétences-là : nous sommes donc restés bouche bée…
Notre périple s’est poursuivi en direction des montagnes que nous voyions à fleur d’horizon. Le ciel bleu était fermement de retour, le soleil tapait fort, et la profondeur du paysage a permis l’apparition de mirages.
Si le phénomène est incontestablement mystérieux et impressionnant, il est encore meilleur de le savourer en étant les seuls spectateurs de ce joyau. Les chevaux, eux, ne les remarquent sans doute même plus. Quant au guide qui s’étonnait de notre choix d’aller, en cette saison, dans le désert de Gobi, je ne pouvais que le féliciter d’avoir réduit nos attentes : nous nous sentions d’autant plus chanceux et déterminés à en profiter…
Derrière les montagnes, et après les bouquetins surpris en pleine sieste, le sable ! Le dédale des pistes nous a conduits au pied des Khongeryn Els, massif de dunes de sables de plus de cent trente kilomètres de long, et dont certaines atteignent plus de trois cents mètres de haut. De nombreux chameaux pâturent tranquillement, offrant à nos yeux de photographes en herbe de parfaits modèles à capturer sur carte SD.
Mais nous avons rendez-vous avec le coucher de soleil, et nous n’avons pas prévu de le décevoir. La course contre la montre est enclenchée, mais armés de notre volonté, nous avons pu gravir une des montagnes de sable. Reprendre son souffle était un challenge, dans un environnement qui nous le coupait littéralement.
La nature nous a dévoilé une belle palette de ses derniers effets artistiques, que ce soit avec le vent, à travers le dessin de fines nervures, d’arêtes parfaites, ou la lumière, avec des jeux d’ombres parfaitement maitrisés, aux reflets bleutés.
Comme si cela ne suffisait pas, nous avons ensuite profité d’un ciel tellement étoilé qu’il était compliqué de détacher la Voie Lactée de tout le reste. Assurément, je me suis senti tout petit ce jour-là, pris dans cette ode magique, et tellement reconnaissant de pouvoir assister à cela, en le partageant à plusieurs.
Il nous a été donné à voir une autre facette de ces mêmes Singing Dunes le lendemain matin, dénuée de poésie sous le soleil écrasant, mais toujours aussi frappante.
Si nous n’avons pu entendre ce qui justifie son surnom lorsque le vent s’engouffre entre ses formes, c’est un autre bruit, sourd, vrombissement métallique venant de sous nos pieds, cri de résistance de la dune sous les coups de boutoir que nous lui infligions lors de la descente, qui nous a subjugué.
C’est comme si les différentes couches de sables résonnaient alors que nous n’en effleurions que la surface, comme si la nature nous rappelait de traiter son œuvre avec respect.
Des chameaux, encore eux, allaient se charger de nous raccompagner vers la sortie.
Afin de terminer cette boucle, état des lieux des merveilles du sud, nous avons ciblé Yolyn Am, canyon dont l’épaisseur de glace peut atteindre plusieurs mètres, et qui ne s’en dévêt que deux ou trois mois dans l’année.
Cette « Vallée des Vautours » est le lieu d’habitation de rapaces, bien entendu, mais aussi de bouquetins, de marmottes, et plus rare, de léopard des neiges. Nous n’aurons pas l’extrême joie de conclure notre itinéraire par l’observation de ce dernier, à l’état sauvage, mais il faut sans doute savoir en garder pour plus tard…
L’atteinte de Dalanzadgad a sonné comme la fin de cette belle aventure à quatre. Après avoir partagé un riche repas, encore concocté de mains de chef par Mickaël, dans des conditions toujours plus exigeantes, notre guide a repris la direction de Kharkhorin et nous sommes rentrés dans la nuit à Oulan-Bator.
En arrivant là, nous allions chacun reprendre le cours de nos pérégrinations là où nous l’avions laissé. C’était l’accord que nous avions implicitement signé, notre association serait éphémère, et pourtant elle pouvait compter.
Même si cela était prévu, il me fallut un petit temps d’atterrissage avant de pouvoir repartir, tant j’ai apprécié cette expérience, dans ces conditions, partagée avec ces deux personnes. « L’enfer, c’est les autres. » disait Jean-Paul Sartre. C’est surtout le cas quand ils s’en vont !
Vero
Que de superbes contrastes !! C’est toujours avec plaisir que je me laisse emporter par tes récits et photos merci !!!
Laurent
C’est mon plaisir aussi de les partager ! 😃
Camille MOURIER
Laurent, je viens de lire cet article..! Waouh quel honneur de faire partie de cette belle histoire si bien racontée :)! La découverte d’une région splendide, avec un trio de feu, dans des conditions rudimentaires, ça laisse de beaux souvenirs..! Au plaisir de se recroiser sur notre belle planète !
Laurent
Bien sûr que tu te devais d’en faire partie… Tu as contribué à rendre cette expérience aussi marquante !
Donnons-nous RDV pour d’autres aventures ! 🤘🏻