Ambiance musicale : Хослон Зэрэглээтэх Хоёр Маргаз – Борхүүгийн Батболд
Après avoir arpenté la capitale pendant quelques jours, j’ai voulu aller explorer la « campagne », comme on y fait référence ici à Oulan-Bator, par opposition à ce grand espace dompté. Et c’est le lac Khövsgöl qui a attiré mon attention en premier, au-delà du fait qu’une opportunité pour y aller venait juste de s’ouvrir.
Khaliunaa, entre deux bouchées de khuushuur avalées au septième étage panoramique du centre commercial, m’indique que le bus part dans quelques heures pour Mörön. Plus qu’il n’en faut pour se préparer et aller braver les quinze heures qui me séparent de la destination. Ce sera donc un bus de nuit, alliant l’utile à… l’économique.
La gare routière de Dragon sert de véritable hub pour toutes les destinations de l’ouest. Je me suis rendu compte, en achetant mon billet, que j’embarquais pour un véritable voyage. La langue anglaise n’est pratiquée que par la personne de l’autre côté du comptoir, pour indiquer le numéro de place. Et j’ai été le seul et unique occidental dans le bus, dont le départ n’a pu s’effectuer qu’après en avoir rempli l’intégralité des espaces disponibles (et même plus).
Une fois le bus trouvé, j’ai déduit le déroulement du trajet de simples postulats, à défaut de savoir comment cela fonctionnait : il fallait bien s’arrêter pour se restaurer ou les nécessités élémentaires. Le seul impératif était alors de ne pas manquer le redémarrage, les Mongols étant prompts à ingurgiter leur ration ou réduire leurs cigarettes en cendres.
C’est en voiture que j’ai parcouru les kilomètres qui séparent Mörön de Khatgal. Ce transport « public » ne pouvait partir, lui aussi, qu’après avoir fait le plein. C’est donc une joyeuse équipe qui a filé sur la route toute neuve, la mamie de devant racontant manifestement des blagues, à les voir éclater de rire régulièrement. De mon côté, j’observais pour la première fois des habits traditionnels portés à l’identique par mari et femme, tandis qu’eux scrutaient ma couleur de peau.
Khatgal a été l’occasion de nombreuses autres premières fois. C’est en effet une nuit en ger qui m’attendait, et cette maison traditionnelle m’a permis d’affronter les cinq degrés en-dessous de zéro de la nuit, bien aidée par un poêle surchargé et ravivé le matin, et un horhog, barbecue mongol dont la cuisson se fait à la pierre volcanique sortie du feu, préparé dans les règles de l’art par Gambaa et avalé avec les pauses nécéssaires.
La portion m’a quelque peu effrayé (quasiment sept cents grammes de viande de mouton, mais pas tous du même acabit), sans faire sourciller la propriétaire de l’auberge : « you’re a man, you could eat more ! »
C’est donc plein de ressources que j’ai pu attaquer, le lendemain, ma journée de cheval avec Bogi. Les chevaux ont été récupérés là où ils paissaient en semi-liberté, dans le calme des montagnes entourant le lac.
Cette balade, d’une simplicité enfantine pour un cavalier aguerri, était tout à fait suffisante pour moi : le fait de pouvoir s’aventurer à travers champs, sous-bois et rives enneigés, en communion avec la nature me donnait soudain un sentiment de grande liberté. Qu’elle est loin, UB, et qu’est-ce que c’est bon !
Mais je ne savais pas encore que le meilleur restait à venir. Nous nous sommes arrêtés pour déjeuner là où vit Bogi, et j’ai pu découvrir une ger réellement habitée (pas seulement un refuge pour la nuit), une préparation de repas avec la famille et la ferme nomade l’entourant.
L’authenticité du moment m’a laissé sans voix, de même que la première cuillère de beurre fromagé au goût rance que j’ai englouti sans me méfier, pensant naïvement qu’il s’agissait de pommes de terre écrasées, les yeux ronds de surprise. J’ai lu l’approbation dans le regard des habitants, quand j’ai simplement tartiné la préparation lactée sur les morceaux de pain cuit sur le poêle, avec les cuillérées suivantes.
L’hospitalité était totale et j’ai même pu expérimenter le tabac à priser dans la fiole au bouchon en pierre de jade. Une partie de la digestion s’est faite sous le soleil, avec les animaux de son parc cohabitant en toute quiétude, puis nous sommes rentrés « à la ville ».
La simplicité et la beauté de ces moments, en opposition à la relative complexité qu’il a fallu affronter pour venir jusque-là seul, me font tourner en boucle les mots de René Char :
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te voir, ils s’habitueront. »
Et qu’en est-il du lac alors ? Cette expérience équestre me ferait presque oublier cette merveille de plus de cent kilomètres de long… Même si nous sommes en avril, il est encore temps, et pour un bon moment, de l’observer gelé. Et ce sont des couleurs hors du commun auxquelles j’ai eu droit.
J’ai aussi eu la confirmation de l’épaisseur de la glace par un moyen simple : le trou creusé qui permet aux riverains de venir se ravitailler avec cette eau pure.
Les personnes qui revenaient de dix jours d’expédition en traineau à chiens pour atteindre le nord du lac étaient donc en parfaite sécurité, tout comme les enfants de retour de l’école.
L’heure de retourner à la capitale a sonné. Le réseau de bus public étant éclaté en étoile autour de la capitale, il ne m’était pas possible de poursuivre un tour depuis ici. C’est avec une démarche plus assurée que j’ai rejoint la gare routière : je connaissais maintenant les rites locaux de ce mode de transport.
Ces gares routières régionales bénéficient d’un charme discret : arriver une demi-heure en avance, c’est l’occasion de se rendre compte que l’on est le seul dans le bus, à ce moment-là. Puis le grand ballet des voitures s’active plus ou moins au moment de l’heure du départ, apportant le flot de passagers et de charges diverses à transporter.
Certains ont même réussi à nous rattraper, une fois partis, pour faire arrêter le bus et embarquer les derniers retardataires. C’est à peine si nous nous en sommes rendu compte, ma petite camarade et moi, entre deux jeux.
Vero
Génial et émouvant …
Alice
Tu m’as fait rêver avec la Mongolie….
Laurent
Et bien… j’en suis très heureux ! 🤗
J’ai essayé de partager l’expérience telle que je l’ai vécue. La Mongolie a été une très belle destination, et j’ai été chanceux de la voir dans ces conditions !